Drôle d’affiche : Nathalie Stutzmann dirige l’Orchestre de chambre de Paris dans des pages de grands compositeurs français. Une prêtresse du baroque à la tête d’un ensemble résolument « chambriste » s’aventure dans un répertoire romantique pour l’essentiel, par le biais d’un programme bizarrement ficelé : symphonique en première partie avec la seule Sinfonietta de Poulenc, lyrique après l’entracte en un mélange inhabituel de chœurs et d’airs de basse extraits d’opéras français. Pour ajouter à l’insolite, un chanteur russe à peu près inconnu des scènes françaises joue les guest stars. Le genre de soirée où, selon l’expression populaire, ça passe ou ça casse.
À vrai dire, ça passe d’abord avec une Sinfonietta menée bon train. Dans cette pièce voulue comme un hommage à Joseph Haydn, Nathalie Stutzmann parvient à souligner ce qui relève du pastiche ou du sentiment. Prendre le recul nécessaire pour que coexistent harmonieusement les deux visages de Poulenc : le moine et voyou. Comparé à l’aridité de l’Accademia Bizantina la veille, l’Orchestre de chambre de Paris offre une jungle de sonorités, profuses, généreuses, touffues en ce que l’adjectif peut avoir de plus flatteur, c’est-à-dire denses et luxuriantes.
Puis, dans la deuxième partie, ça casse. Sans que l’orchestre et sa direction soient d’ailleurs à remettre en cause. Qu’il s’agisse de Bizet, Berlioz ou Gounod, Nathalie Stutzmann continue d’impulser à des partitions dissemblables le mouvement nécessaire à l’expression de leur générosité et l’Orchestre de chambre de Paris sait éviter les effets faciles ou bruyants. Mais le jeune Chœur de Paris est, comme son nom l’indique, jeune, et son effectif s’avère trop réduit pour faire le poids face à la prodigalité instrumentale, dans des numéros que l’on a l’habitude d’entendre interprétés par des forces superlatives. Les ténors évoquent une cohorte de soldats en déroute. Les sopranos, dans leurs notes les plus aigües, s’égaillent. Bref, les troupes chorales avancent d’un même pas mal assuré.
Les interventions d’Alexander Vinogradov sonnent la débâcle. La basse russe possède un timbre d’une noble noirceur, une longueur confortable et une projection à faire trembler les murs. C’est beaucoup et ce n’est pas assez. Plus que l’exotisme de l’accent, plus que l’intonation instable, l’émission nasale et pas mal de sons épouvantables, le style laisse à désirer. Qu’Escamillo ne soit pas distingué, que Méphistophélès chez Gounod ait le rire gras, passe encore mais dans La Damnation de Faust, le trait épais disqualifie l’interprétation. Pas bégueule, le public applaudit de bon cœur. Sa mansuétude ne sera pas récompensée : la soirée se termine sans un bis.