« L’hiver peut s’enfuir et le printemps s’écouler ». C’est sur ce vers de Peer Gynt d’Ibsen qu’a débuté le concert d’ouverture de la nouvelle saison du Châtelet. Sur l’immense plateau du théâtre, les première notes de la chanson d’amour de Solveig composée par Grieg, tout juste issues du silence par le pianiste Arnaud Tibere-Inglesse, invitent aussitôt au recueillement. La soprano Clarisse Dalles chante, avec une délicatesse émouvante, la solitude et l’espoir inébranlable de la jeune femme achevant chaque couplet par de bouleversants aigus en sons filés jusqu’au murmure. Le public, très jeune, est conquis. Il sait qu’il va vivre un concert hors du commun d’autant qu’Olivier Py, avec le beau lyrisme qu’on lui connaît, lui adresse, à la suite, un beau message humaniste (comme en écho à celui des Jeux Olympiques, cet été) en l’invitant à partager cette ferveur avec les artistes invités. Entre alors en scène l’époustouflant Trio SR9 d’Alexandre Esperet, Nicolas Cousin et Paul Changarnier (marimbas et piano) et leur invitée la chanteuse canadienne Kyrie Kristmanson. Musicienne autodidacte, elle invente des musiques folks ou jazzy, qui vont des plaines du Saskatchewan et des montagnes d’Ontario à l’Europe du plain-chant, des complaintes populaires et des Lieder du Nord dans des langues (anglais, français, et… ?) qui nous semblent souvent bien mystérieuses. Sa voix naturelle fine et pure est particulièrement séduisante lorsqu’elle chante, hors micro, sur un rythme battu sur leurs corps par les musiciens. Ces derniers content au public la familiarité qui lie leurs œuvres à de grands compositeurs comme Bach, Ravel et Germaine Taillefer, proche de Poulenc dans le Groupe des Six, et injustement oubliée. Tous les quatre terminent en avant-scène en rythmant leur chant sur une chorégraphie à peine esquissée. Le résultat est magnifique. Le public est aux anges. Oui, l’olympisme de l’été, porteur dans le monde entier d’un message de solidarité, de partage, de compréhension et d’union, a vraiment soufflé ce soir-là sur le Châtelet, car c’est dans ce même élan que s’inscrit, après l’entracte, le remarquable pianiste Thomas Enhco qui, s’éloigne ici du jazz pour s’associer à Vassilena Seramifova, exceptionnelle percussionniste et marimbiste virtuose. Dans ses œuvres Thomas s’inspire surtout de Bach, Vassilena se référant plutôt à la musique américaine minimaliste dans une partition particulièrement spectaculaire…et acrobatique qui déclenche une ovation !
Deuxième entracte : il se fait tard lors qu’une Sequenza techno se met en branle. Elle est, hélas, tellement assourdissante qu’on n’entend guère le marimba de Vassilena totalement noyé dans un fatras électronique agressif qui fait fuir certains spectateurs. Le rythme immuable et impitoyable de la musique techno n’est décidément pas fait pour être écouté dans un théâtre mais bien pour animer les parades de rues et les soirées où l’on danse à s’en étourdir. C’est donc un public plus éclairci qui assiste au foyer, tard dans la nuit, à des extraits d’une œuvre lyrique en répétitions interprétée par la comédienne et plasticienne Julie Héga et l’excellente soprano Raquel Camarinha.
Notons quelques temps forts de la saison : après Les Misérables pour les fêtes de fin d’année (il reste encore quelques places à la vente,) c’est Orlando de Haendel qui sera à l’affiche en janvier avec, en fosse, Les Talents Lyriques de Christophe Rousset, puis Peer Gynt d’Ibsen sur la musique de Grieg. Le 24 mars Patricia Petibon, sera la soprano d’un spectacle écrit par Olivier Py (musiques de Purcell, Haendel et Thierry Escaich). Enfin, une soirée Bizet avec L’Arlésienne et Le Docteur Miracle et une mise en scène de L’histoire du Soldat de Stravinsky clôtureront la saison théâtrale et lyrique. Côté ballet, deux grandes compagnies : le Ballet Jazz de Montréal et le Ballet du Grand Théâtre de Genève avec un superbe Boléro de Ravel chorégraphié par Sidi Larbi Cherkaoui.