Les Arts Florissants collaborent depuis de nombreuses années avec l’Abbaye Royale de Fontevraud mais sur un mode informel. Depuis cette année, le partenariat, officialisé, est appelé à se pérenniser : la phalange vendéenne est donc intervenue chaque dimanche de la programmation « Noël à Fontevraud » dans le cadre sublime de l’église abbatiale illuminée. C’est avec un programme original autour de l’Épiphanie dans le répertoire baroque français que s’achève la sixième édition de ce temps fort saisonnier.
Paul Agnew l’a construit comme un office en patchwork qui raconte les différentes péripéties des Rois mages. Ils aperçoivent puis suivent l’étoile, rencontrent le roi Hérode puis l’Enfant. Entre ces temps de narration interviennent plusieurs respirations instrumentales ainsi que des plain-chants de l’époque.Cette proposition éminemment pertinente séduit l’oreille par sa richesse, sa variété et l’intelligence de l’interprétation.
L’Ensemble est impeccable avec ses deux flûtistes qui enrichissent la belle unité des cordes, une alternance incessante dans l’association des différents instruments qui multiplient les couleurs, nourrissent l’attention. La surprise vient également de certaines pièces à la mélodie étonnamment séduisante pour des œuvres religieuses comme la belle Ouverture pour le sacre d’un évêque de Marc-Antoine Charpentier.
Le plateau vocal fait montre de la même créativité dès la première pièce lorsque les hommes dialoguent avec les anges dans le « Annuntiate superi, narrate coeli » du même compositeur. Ce vibrant hommage à la Vierge est servi par une diction du latin à la française irréprochable tout au long de la soirée, tout comme la pâte sonore riche et ductile proposée par les cinq solistes, en particulier à la fin du « Cum natus esset Jesus in Bethleem » ou encore dans les somptueuses « Litanies de la Vierge » – toujours de Marc-Antoine Charpentier – qui closent le concert.
L’élégance caractérise également cette interprétation qui n’est jamais ostentatoire tout en ciselant le raffinement polyphonique. Si l’équilibre des voix est patent dans les ensembles, les soli révèlent une légère fragilité de la basse, Igor Bouin, dont la justesse s’avère parfois discutable comme dans l’Introït de la Messe de l’Epiphanie de Notre Seigneur de Guillaume-Gabriel Nivers qui, ceci dit, ne manque pas de solennité. Même souci dans « Omnes gentes plaudite manibus » mais la voix y est bien mieux timbrée et les ornements des trois hommes en trio sont à la fois nets et enlevés.
Avec « Cum natus esset Jesus in Bethleem » de Marc-Antoine Charpentier – décidément très sollicité – la basse interprète Hérode tandis que toutes les combinaisons vocales possibles se succèdent, théâtralisant l’extrait, magnifique, qui en devient d’autant plus vivant. Juliette Perret, irréprochable deuxième dessus y déploie de beaux graves bien ancrés, soutenus par un focus précis.
« Transfige dulcissime Jesu » de Guillaume-Gabriel Nivers est un des acmés de la soirée qui en résume bien les qualités. L’orgue raffiné de Constance Taillard ne se met jamais trop en avant mais apporte un soutien indéfectible aux chanteurs, tout comme la direction évocatrice et imagée de Paul Agnew. L’excellent haute-contre Sean Clayton, timbre rond mais net, aigus souples, fait montre d’une touchante expressivité tandis que s’affirme l’élégance du phrasé à la voix bien campée du ténor Martin Candela – qui devrait oser plus lever son nez de la partition. Les deux chanteuses y sont remarquables, tout comme dans le motet à 2 parties « Ecce venimus adorare » de Marc-Antoine Charpentier qui déploie l’émission très naturelle aux bien jolis aigus d’Ellen Giocone, ainsi que sa formidable sensibilité musicale. Elle crée avec Juliette Perret un moment de grâce suspendue et délicate aux nuances subtiles.
Le Motet pour l’Epiphanie, « Stella refulget » de Jean-Baptiste Lully, interprété à cappella par les cinq solistes, confirme cet art de la retenue, cette souplesse dans le tuilage des voix qui se déploie fastueusement avec son Psaume 46 « Omnes gentes plaudite manibus ».
Paul Agnew demande de ne pas applaudir avant l’ultime pièce, comme il le fait à Thiré, pour ces concerts du soir propices à la méditation, laissant s’épanouir les émotions portées par les artistes, entre gravité, joie et recueillement.