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d’après VIVALDI, L’Olympiade des Olympiades – Nice

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Spectacle
3 mai 2024
Nice olympique pour un spectacle surprenant et fusionnel

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Pasticcio baroque en deux actes inspiré du livret L’Olimpiade de Pietro Metastasio et Antonio Vivaldi. Musiques d’Antonio Vivaldi, Baldassare Galuppi, Giuseppe Sarti, Giavanni Battista Pergolesi, Davie Perez, Antonio Caldara, Tommaso Traetta, Johan Adolf Hasse.


Nouvelle production de l’Opéra de Nice Côte d’Azur, en partenariat avec le Musée National du Sport et  Université Côte d’Azur

Détails

mise en scène et chorégraphie
Eric Oberdorff
adaptation du texte et dramaturgie
Jean-Christophe et Nathalie Spinosi
décors
Fabien Teigné
costumes
Camille Penager
lumières
Jean-Pierre Michel

Licida
Fernando Escalona
Megacle
Rémy Brès-Feuillet
Aminta
Marlène Assayag
Argene
Ana-Maria Labin
Aristea
Margherita Maria Sala
Clistene
Luigi De Donato
Alcandro
Gilen Goicoechea
Maîtresse de cérémonie (rôle parlé)
Anaïs Gournay

 

Choeur de l’Opéra de Nice
Orchestre philharmonique de Nice
avec la participation des musiciens de l’Ensemble Matheus
Danseurs du Ballet Nice Méditerranée, avec la participation de danseurs de breakdance

direction musicale
Jean-Christophe Spinosi

Nice, Opéra, le 30 avril 2024 à 20 h

Nice aime le sport autant que la musique (1), et on imagine difficilement que semblable projet ait pu se concevoir, se construire et se réaliser en un autre lieu. L’histoire narrée par l’Olimpiade que l’on trouvera par ailleurs, est simple : sur fond de rivalités sportives, le roi promet sa fille au vainqueur des Jeux olympiques. Elle est aimée secrètement de deux amis, un prince et un athlète, auquel le premier demande de participer sous son nom, assuré de ne pouvoir l’emporter…

Casser les codes, les clichés sur l’opéra, pour répondre aux attentes du plus large public, sans qu’il y ait besoin de préparation ni d’a priori culturel, telle est la volonté affichée des réalisateurs, et le pari un peu fou est tenu. Il a fallu commencer par réécrire l’Olimpiade en empruntant à nombre de musiciens l’ayant illustré (2), au premier rang desquels Vivaldi, tout en réduisant la durée à moins de deux heures (sans entracte), travail accompli par Jean-Christophe Spinosi et sa sœur, Nathalie. Puis traduire concrètement le projet : bouleverser la disposition fonctionnelle du théâtre à l’italienne pour surprendre, faire disparaître la fosse afin de rapprocher, voire mêler, public et interprètes (orchestres en salle et scène en gradins, ouverte au public), supprimer les récitatifs au profit d’un narrateur (3), ouvrir l’espace et inséminer la musique par le sport (les porteurs de la flamme dont on suit ponctuellement la course en temps réel sur la promenade des Anglais investissent le plateau au terme de la représentation, idéalement synchronisée). S’il faut saluer la prouesse technique, le dispositif adopté impose la sonorisation des voix, avec des interrogations sur l’usage d’un clavier électronique et à ce qui ressemble à un dispositif de DJ (est-ce lui qui brouille l’écoute du premier air d’Aminta ?).

Exercice redoutable que le pasticcio, dont les réussites sont exceptionnelles. Nombre de chefs baroques s’y sont égarés, sinon fourvoyés : une connaissance approfondie des styles propres à chacun et la capacité à les associer harmonieusement n’est pas à la portée de tous. Ce sont trop souvent des assemblages de pièces intéressantes, mais accusant d’importantes différences stylistiques, sur des livrets douteux, inventés pour la circonstance. Ici, le défi est relevé brillamment, à travers deux composantes : le livret de Métastase donne sa cohérence narrative et dramatique à la réalisation, même amputé, réduit à deux actes enchaînés, réécrit pour substituer aux récitatifs des textes de liaison confiés à une « maîtresse de cérémonie », jouant médiocrement le rôle d’une speakerine, commentatrice d’épreuves sportives. Ce sera la principale – et, somme toute, relative – faiblesse de ce spectacle. D’autre part l’intelligence de la réalisation musicale et scénique confère une incontestable unité à la production (4).

© Dominique Jaussein - Opéra de Nice

On lui devait déjà le Phaéton (2022) et sa participation à l’Akhnaten (2020) qu’avait produits l’Opéra de Nice. Eric Oberdorff signe la mise en scène et la chorégraphie, essentielle. La première privilégie naturellement les Jeux Olympiques, ceux-ci sont actualisés avec humour et cocasserie : L’opéra s’est mué en piste d’athlétisme, avec ses couloirs. Le décor unique est transformé à vue, de façon simple et inventive par les chanteurs et danseurs. Quelques accessoires, structures d’exercices physiques, cordes etc. et des éclairages appropriés suffiront à renouveler le cadre. Les projections, limitées, sont bienvenues et participent à l’esprit qui préside. Les champions sont l’objet de vignettes Panini, que les jeunes collectionnaient compulsivement il y a déjà longtemps. Les costumes des solistes les différencient clairement, même si certains ne sont pas du meilleur goût (Aminta). Ceux des danseurs sont aussi justes qu’appropriés à leurs évolutions. La rivalité amoureuse, qui s’achève heureusement par l’union des deux couples, est avant tout illustrée par la musique, et par les évolutions chorégraphiques qui l’accompagnent. Celles-ci comme la gestique de tous les protagonistes sont un bonheur, dans leur conception comme dans leur réalisation, propre à séduire chacun. La direction d’acteur, aboutie, est un modèle.

Jean-Christophe Spinosi avait déjà signé une mémorable Olimpiade, intégrale, de Vivaldi, au Festival 2023 de Beaune (5). La distribution, sans faiblesse, reconduit des valeurs sûres bien que jeunes, aguerries, dont trois des premiers rôles : Rémy Brès-Feuillet (Mégacle), Fernando Escalona (Licida), Ana-Maria Labin (qui chantait alors Aminta), et l’engagement d’excellents chanteurs. Le meneur de jeu a ainsi constitué une belle équipe, dynamique, engagée, dont il connaît bien chacun des membres. Les deux amis, contre-ténors, se montrent exemplaires d’aisance, de virtuosité, de longueur de voix. Tout juste regrette-t-on les changements accusés de registre, sans doute délibérés, de Megacle dans son air d’entrée « Superbo di me stesso ». L’Aristea que campe Margerita Maria Sala est servie par une belle voix, mais alors qu’elle se trouve au cœur de l’action dramatique, avec le rôle musicalement le plus riche, on est un peu en-deçà des attentes. D’autre part, pourquoi l’avoir affublée d’une robe dépourvue de séduction ? On retrouve avec un réel bonheur Ana-Maria Labin, maintenant Argene, émouvante, servie par des moyens exceptionnels. L’Aminta de Marlène Assayag impressionne, aux superbes aigus, à la ligne de chant d’une belle conduite. Gilen Goicoechea, Alcandro est un merveilleux baryton, dont on regrette que le rôle soit si limité. On ne présente plus Luigi De Donato, qui nous vaut un royal Clistene : l’émission souveraine d’égalité et de couleur est un régal. Sa dernière intervention est un moment fort qui participe au bonheur de chacun.

Sport et musique, deux publics – l’interne et l’externe -, deux orchestres, deux groupes de danseurs… l’autre caractéristique du projet réside dans l’unité fusionnelle de la réalisation. L’ouverture, puissante, nerveuse, idéalement en place, rassure. L’Orchestre philharmonique de Nice est rompu à la musique baroque (le Phaéton dirigé par Jérôme Corréas en 2022 en était un exemple), c’est le ripieno, enrichi des vents (aux cors obligés de Vivaldi s’ajoutent, flûtes, hautbois, bassons et percussions). L’Ensemble Matheus, faisant office de concertino, se réserve l’accompagnement de certains airs. Les deux formations, distinctes et jouant séparément, parfois associées en un ensemble unique, ou dans la relation concertante, appellent des déplacements réguliers du chef, sportif en survêtement, comme les musiciens en tenues riches, variées, colorées (on remarque ainsi un corniste en cuissard et maillot de cycliste, coiffé de son casque). Il faut souligner la précision des attaques, des articulations, la conduite des phrasés de tous les musiciens : l’homogénéité du jeu est remarquable, malgré le handicap de la distance qui sépare les deux groupes. Hormis les basses de l’orchestre philharmonique qui, ponctuellement, dans tel air « scient du bois », l’ensemble n’appelle que des éloges. Le chœur, placé dans les deux étages de loges surplombant l’orchestre philharmonique rayonne à deux reprises : dans le chœur des bergers (de Vivaldi) chanté par les femmes, puis dans « I tuoi strali », de Hasse à la fin de l’ouvrage. On connaît et apprécie l’engagement de Jean-Christophe Spinosi au service de cette musique, et de l’Olimpiade tout particulièrement. Attentif à chacun et à tous, épanoui, énergique, bondissant comme caressant, avec vigueur comme délicatesse, d’un exigence constante, il sert magnifiquement cette partition dans laquelle il s’est totalement investi.

Bien que l’opera-seria – à la différence de la tragédie lyrique – n’accorde qu’une place dérisoire à la danse, celle-ci est ici souveraine : huit des danseurs du Ballet de l’Opéra ne forment qu’un avec six authentiques break-dancers (6), virtuoses recrutés pour la circonstance. La fusion est idéale. Nul ne peut rester insensible aux évolutions renouvelées, à la gestique démonstrative, illustrative du texte et des figuralismes qu’il appelle. Un spectacle total, hors-normes, propre à conquérir tous les publics.

Du 20 au 29 juin, au Théâtre des Champs-Elysées, pour l’ouverture des J.O., Jean-François Spinosi et son Ensemble Matheus retrouveront l’Olimpiade de Vivaldi, dans son intégralité, avec une prestigieuse distribution (Jakub Józef Orliński, Marina Viotti, Caterina Piva, Delphine Galou, Jodie Devos, Luigi De Donato, Christian Senn), dans une mise en scène d’Emmanuel Daumas. Nous souhaitons au public de retrouver une émotion au moins égale à celle qu’ont éprouvés les Niçois.

(1) Le départ du Tour de France, en 2022, avait déjà été l’occasion retenue par l’Opéra pour participer à l’événement au travers d’un concert dédié. 
(2) Plus de 60 compositeurs ont illustré le livret de Métastase, de Caldara à Mozart (le célèbre air « Alcandro, io confesso », acte III, scène 6 : K 294, pour soprano, de 1778, et le K 512, pour basse, de 1787), sans oublier Donizetti (pour un opéra inachevé). 
(3) Quoi qu’il en coûte à l’amateur, épris de ces moments de vie où Vivaldi donne le meilleur de lui-même pour servir l’action dramatique et la psychologie des personnages. 
(4) L’exercice a connu un précédent discographique remarquable, il y a plus de dix ans : faisant appel à pas moins de 16 compositeurs, le Venice Baroque Orchestra, nous valait, sur ce même livret, un enregistrement diffusé par Naïve. 
(5)  La compétition truquée, ou l’amitié rivale de l’amour 
(6) la break dance figure cette année au nombre des disciplines olympiques.

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Pasticcio baroque en deux actes inspiré du livret L’Olimpiade de Pietro Metastasio et Antonio Vivaldi. Musiques d’Antonio Vivaldi, Baldassare Galuppi, Giuseppe Sarti, Giavanni Battista Pergolesi, Davie Perez, Antonio Caldara, Tommaso Traetta, Johan Adolf Hasse.


Nouvelle production de l’Opéra de Nice Côte d’Azur, en partenariat avec le Musée National du Sport et  Université Côte d’Azur

Détails

mise en scène et chorégraphie
Eric Oberdorff
adaptation du texte et dramaturgie
Jean-Christophe et Nathalie Spinosi
décors
Fabien Teigné
costumes
Camille Penager
lumières
Jean-Pierre Michel

Licida
Fernando Escalona
Megacle
Rémy Brès-Feuillet
Aminta
Marlène Assayag
Argene
Ana-Maria Labin
Aristea
Margherita Maria Sala
Clistene
Luigi De Donato
Alcandro
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Maîtresse de cérémonie (rôle parlé)
Anaïs Gournay

 

Choeur de l’Opéra de Nice
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avec la participation des musiciens de l’Ensemble Matheus
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Nice, Opéra, le 30 avril 2024 à 20 h

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