Il est permis de se demander parfois ce qui ne fonctionne pas dans un spectacle. Serions-nous d’une humeur telle qu’on ne parvienne pas à entrer dans la représentation ? Pourquoi diable ces Contes d’Hoffmann zurichois n’ont-ils jamais semblé prendre leur envol ? Pourquoi tout nous a semblé terriblement fade ?
Il y avait pourtant Laurent Naouri, qui a dominé le plateau. Qu’il soit Lindorf, Crespel, Lindorf ou Dapertutto, il campe idéalement et avec autorité ces rôles noirs : on y croit. Il y avait Vittorio Grigolo, qui a préparé un Hoffmann tout en nuances mais qui, passant sans cesse du pianissimo au mezzo-forte, en fait simplement trop ! Il y avait aussi le Niklausse de Michelle Breedt au français hésitant et à la présence scénique agaçante. Surtout, il y avait Elena Mosuc malade : mimant le rôle, elle a dû être remplacée au pied levé par Sen Guo, Raffaella Angeletti et Riki Guy. Si l’on admire la classe de ces artistes arrivées le jour même en catastrophe et qui auront constitué un succédané plus qu’honorable, on regrette évidemment de ne pas avoir entendu celle qui aurait dû chanter ces trois rôles. Et puis la direction David Zinman fut ennuyeuse, anti-dramaturgique, avec des tempi collants. L’action n‘avançait pas et se trouvait sans cesse arrêtée par une conduite amorphe. On se prit plusieurs fois – même si l’on adore l’œuvre – à se demander quand finirait le numéro en cours. Ajoutez à cela quelques décalages, et un Martin Zysset (Andrès/Cochenille/Frantz/Pitichiaccio) à la verve comique limitée, et vous obtenez un plateau vocal composé d’excellents chanteurs qui n’est pourtant pas parvenu à convaincre.
De même, la mise en scène de Grischa Asagaroff (la scénographie est de Bernhard Kleber) est jolie, sans plus. La taverne est une taverne, et les trois autres actes se déroulent dans une étrange surface entourée de vitres au travers desquels apparaissent des collines et des chevaux. Un emprunt, semble-t-il, au surréalisme, sans que cela nous ait paru d’un intérêt exceptionnel. Quelques bonnes idées, comme ce public d’automates à la fin de l’acte d’Olympia; d’autres qui le sont moins, comme cette météorite carton-pâte qu’invoque Crespel. Pas de magie, ni de fascination, ni de véritable étrangeté, pas d’enchantement… Certes, la mort d’Antonia, avec une Wiebke Lehmkuhl magistrale, reste une scène magnifique, mais elle le doit plus à la partition qu’à ce qu’en a fait le metteur en scène. On est loin de ce qu’a présenté Olivier Py à Genève, pour n’en citer qu’un exemple.
Eh bien ? Eh bien voilà. Un spectacle aux interprètes, en soi, de qualité, à la mise en scène pas trop mauvaise, à la direction peu inspirée… En réalité, un spectacle qui manque de l’essentiel: de souffle, de vie, de jeu, de théâtre.