A l’église Saint Christophe de Tourcoing, l’Ensemble Aedes et les Siècles participent en voisin* à la Biennale Là-Haut dont la première édition tient toutes ses promesses.
Mathieu Romano, directeur artistique d’Aedes dirige ce Deutsches Requiem d’une battue stable, rassurante avec autant de sobriété que de précision. La conduite de la phrase musicale est ample et fluide, le legato soyeux. Les instruments d’époque 1850, de facture allemande, subliment la version pour orchestre de chambre de Joachim Linckelmann avec un travail de couleur d’une remarquable subtilité. L’équilibre des pupitres se savoure à chaque numéro, avec une mention particulière pour les vents et les cuivres qui sont très présents sans jamais se faire écrasants ou encore les cordes tout en grâce lumineuse dans le 4e mouvement.
Le chœur fait montre des mêmes qualités avec un travail du son particulièrement abouti et une palette colorée extrêmement riche. Cette grande délicatesse est perceptible dès le morceau d’entrée, « Mit geschlossenem Mund » de Wolfgang Rihm (à bouche fermée, comme son titre l’indique), qui met immédiatement en valeur une somptueuse pâte sonore. Le travail des nuances est au diapason avec des forte/piano assez bouleversants dès les deux premiers mouvements du Requiem.
Musiciens et chanteurs partagent un plaisir manifeste qui affleure dans les regards et sourires comme dans le 6e mouvement « Der Tod ist verschlungen » et culmine avec le motet « Warum ist das Licht gegeben dem Mühseligen ? » proposé en guise de bis et que l’orchestre chante avec les solistes et le chœur dans une belle métaphore qui dit le bonheur de communier par la musique dans une spiritualité lumineuse.
Axelle Fanyo intervient une première fois avec le troisième des Rückert-Lieder de Gustav Mahler, « Ich bin der Welt abhanden gekommen » où sa projection exigeante, sa maitrise du souffle font merveille tout comme la richesse de son timbre charnu et sensuel aux aigus brillants. L’émission est particulièrement suave dans le 4e mouvement « Sehet mich an ».
Julien van Mellaerts est un peu moins convaincant avec des registres qui manquent d’unité, un souffle un peu court, en dépit d’un beau métal aux médiums percussifs.
Cette belle création de 2019 sera à l’affiche à Puteaux vendredi 10 juin et le lendemain à Maladrerie de Beauvais.
*L’orchestre bénéficie du soutien de la Région des Hauts de France et d’une résidence à l’Atelier Lyrique de Tourcoing.