Tout a été dit ou presque sur le Don Carlos à l’affiche de l’Opéra de Paris présenté comme l’événement de ce début de saison, un double événement devrait-on dire, d’abord grâce à une distribution superlative réunie autour d’un des ténors les plus en vue du moment, ensuite et surtout parce que l’Opéra propose – au ballet près – l’intégralité de la musique que Verdi a écrite pour cet ouvrage créé voici 150 ans, en y incluant les coupures imposées par la direction de l’époque.
Tout a été dit, oui mais voici qu’une nouvelle distribution concernant trois des principaux personnages vient relancer la donne. Il n’a sans doute pas été aisé pour les nouveaux de s’intégrer au reste de l’équipe, surtout plus de trois semaines après la fin des répétitions, cela explique certaines imperfections et décalages dans la première partie, rapidement surmontés par la suite. C’est à Pavel Černoch qu’échoit la lourde tâche de succéder à Jonas Kaufmann. Le ténor tchèque, que l’on a pu applaudir la saison passée dans Eugène Onéguine aux côtés d’Anna Netrebko, ne cherche pas à imiter son aîné. Il promène sa silhouette fragile, le regard éperdu, sur le plateau. Son Don Carlos torturé, bourré de tics, semble n’avoir pas de prise sur les événements qui l’entourent. Vocalement, le rôle pousse sa voix essentiellement lyrique jusqu’aux limites de ses possibilités mais le chanteur s’en tire plus qu’honorablement. Nul doute que les représentations suivantes le trouveront davantage à son affaire. Hibla Gerzmava tire sans peine son épingle du jeu. Les moyens sont conséquents, une voix ample et bien projetée, un medium consistant et un aigu brillant en dépit d’un léger vibrato dû sans doute au trac. Avec un timbre certes moins pulpeux que celui de Sonya Yoncheva, la soprano parvient à imposer un personnage à la fois touchant et volontaire dont l’interprétation culmine avec un « Toi qui sus le néant » très applaudi.
© Agathe Poupeney / Opéra national de Paris
Si la princesse Eboli d’Ekaterina Gubanova est moins spectaculaire en terme d’ampleur vocale et de projection que celle d’Ēlina Garanča, la mezzo-soprano n’en a pas moins de nombreux atouts à faire valoir : un timbre fruité, homogène sur toute la tessiture, un aigu solide et un grave sonore, enfin une technique qui lui permet à la fois d’exécuter les avec précision les vocalises de la chanson du voile et d’affronter crânement les écarts de « O don fatal ».
Tous trois possèdent une diction française honorable à défaut d’être pleinement intelligible.
Dans son compte rendu de la représentation du 16 octobre, Audrey Bouctot a dit tout le bien qu’on peut penser des incarnations de Ludovic Tézier, immense Posa au souffle inépuisable et d’lldar Abdrazakov dont le Philippe II tourmenté se peaufine au fil des représentations ainsi que de l’inquiétant inquisiteur de Dmitri Belosselskiy. A noter que pour un soir c’est l’impeccable François Piolino qui incarne le Comte de Lerme. Belle prestation des chœurs désormais parfaitement en place. La direction de Philippe Jordan a paru plus équilibrée qu’au début de la série avec une plus grande attention portée aux chanteurs.