Créée en juin 2018, la production de Don Pasquale signée Damiano Michieletto n’avait pas convaincu notre confrère Christophe Rizoud qui écrivait qu’elle réussissait « l’exploit de nous ennuyer », ajoutant que la faute en incombait au « vide du décor nuisible à la projection des voix », à un ténor « privé d’éclat », à une soprano dont « la voix légère ne peut entièrement satisfaire » et enfin à la « direction crispée » d’un chef dont les tempos semblaient n’obéir à aucune logique.
Certes la vacuité du décor qui représente un appartement sans cloison mais avec des portes et des meubles posés sur une tournette, surmonté d’un toit suggéré par ses contours que dessinent des tubes de néon, demeure inchangée. Mais il suffit que l’oreille soit comblée pour que le spectacle prenne une tout autre dimension. Les voix convoquées pour cette reprise sont d’un calibre propre à remplir l’espace sans être couvertes et d’une qualité qui capte durablement l’attention d’autant qu’elles évoluent dans un environnement sonore de grand luxe. En effet, Michele Mariotti dirige l’ouvrage avec une redoutable précision, mettant en valeur une infinité de détails, imposant à l’Orchestre de l’Opéra en grande forme, des tempos vifs, sans négliger le caractère mélancolique de certaines pages comme par exemple l’introduction orchestrale avec cor de l’acte deux et l’air du ténor « Povero Ernesto ».
Le ténor c’est Javier Camarena dont le remarquable Tonio au Met nous avait enchanté et qui campe ici un amoureux transi sincère et attendrissant. Ce type d’emploi convient admirablement au mexicain qui y fait valoir un timbre séduisant, un medium solide et généreux couronné par un registre aigu insolent, fort bien projeté. Sa ligne de chant est finement nuancée comme en témoigne son impeccable diminuendo sur l’aigu qui conclut son air. Pretty Yende, sa partenaire dans La Fille du régiment à New-York, trouve en Norina un rôle idéalement adapté à ses moyens. La voix passe aisément la rampe, le medium est corsé, l’aigu brillant et dépourvu de la moindre acidité. La soprano sud-africaine qui connaît parfaitement sa grammaire belcantiste, propose des variations du meilleur effet, exécutées avec une facilité stupéfiante. Son personnage, moins extraverti que celui proposé par Nadine Sierra la saison passée, n’en demeure pas moins convaincant et n’a nul besoin d’un jeu de jambes intempestif pour mobiiser l’attention du public. Remplaçant Mariusz Kwiecien forfait, Christian Senn dispose d’une voix claire et sonore, sa longue fréquentation des répertoires belcantiste et baroque lui permet d’affronter sans problème les ornementations qui émaillent sa partie. Le canto sillabico du duo avec Don Pasquale ne lui cause aucune difficulté, ses talents de comédien font le reste. Seul rescapé de la première distribution, Michele Pertusi est un Don Pasquale pour le moins atypique. Ni lubrique ni vraiment ridicule comme le soulignait Christophe Rizoud, il campe un barbon ahuri, dépassé par les événements, ce qui constitue, somme toute, une option défendable. Vocalement, le baryton italien fait le job et le fait plutôt bien avec le métier qu’on lui connaît. Mention particulière aux chœurs tout à fait épatants dans la scène qui ouvre le troisième acte.