El Niño nous gratifie d’un temps particulièrement doux pour la saison. L’opéra de Rennes ajuste son baromètre avec ce Don Pasquale, déjà applaudi à Tours en 2011, qui s’ancre dans la Rome rêvée des années cinquante. Sandro Pasqualetto convoque ici tout l’imaginaire méditerranéen sur la piazza où les villageois palabrent, se chamaillent et flirtent avec un allant bien latin. Le trait semble un peu forcé dans la scène d’ouverture, mais très vite le chœur de l’opéra trouve ses marques et s’amuse, qui à parler avec les mains, qui à roucouler… La direction d’acteur qui pouvait sembler maladroite au départ s’avère finalement très séduisante, au point que l’on se surprend parfois à concentrer son attention, non plus sur l’action principale mais sur les silhouettes sympathiques qui gravitent autour.
© François Berthon
Il serait pourtant dommage de ne pas profiter des quatre solistes. Ils font montre d’un bel engagement tant scénique que vocal, d’une diction absolument impeccable et d’un phrasé remarquable y compris dans des moments délicats comme l’acrobatique duo entre Don Pasquale et son médecin.
Le rôle titre est tenu par Christophoros Stamboglis, familier de ce répertoire buffa, et totalement réjouissant en barbon dépassé par les évènements. L’artiste est parfois très légèrement derrière l’orchestre mais il joue des nuances avec une telle maestria qu’on le lui pardonne volontiers.
Marc Scoffoni incarne quant à lui le Docteur Malatesta. Grand habitué de la Maison rennaise, il est, comme toujours, précis dans sa projection, généreux dans le volume et juste dans l’interprétation. La profondeur et le velouté de son timbre sont un régal. Face à lui, l’Ernesto de Julien Behr est plein de flamme candide, son émission haute et aisée réjouit l’oreille. On comprend que Tamino soit son rôle de prédilection, il a d’ailleurs rencontré récemment un grand succès à l’Opera de Paris dans Die Zauberflöte mise en scène par Robert Carsen.
Le couple que le jeune ténor forme avec Angela Nisi est parfaitement convainquant. La soprano italienne s’avère pétulante à souhait et si, dans son premier air, ses aigus manquent un tantinet d’épanouissement, elle acquiert ensuite une parfaite aisance vocale doublée d’une jolie palette émotionnelle. Sa Norina est tour à tour vive, enjouée, impérieuse ou émouvante.
La mise en scène fait de la jeune femme le porte étendard de la modernité et de la jeunesse. Les personnages évoluent pendant toute la première partie du spectacle dans un univers visuel superbe et tout en noir et blanc – autant dans les costumes, dans les lumières que dans le magnifique décor de Valentina Bressan –, comme un clin d’oeil aux films de De Sica. Norina à peine mariée, révolutionne l’intérieur de son époux d’un jour en y apportant chaleur et couleur. Ainsi, le monde un peu figé par la domination de Don Pasquale qui impose à tous son conservatisme cède la place à une nouvelle ère plus légère et bigarrée : le film passe du noir et blanc à la couleur.
Musicalement, les couleurs sont également à la fête : Tito Ceccherini est parfaitement respectueux de l’oeuvre et de son contexte. Les tempos sont enlevés, la direction énergique et les nuances de l’orchestre de Bretagne raffinées et enjôleuses.