L’arrivée de l’été se veut festive sur les bords du lac de Zurich et l’Opernhaus organise fréquemment des retransmissions « Oper für Alle » sur l’esplanade devant le bâtiment, rendez-vous populaire qui fait le plein à chaque occasion. Dans la salle, on donne Don Pasquale, reprise de la production de Christof Loy créée en 2019. Production élégante à la direction d’acteur inventive, elle redouble chaque scène de figurants dont la présence parfois incongrue renforce le comique des imbroglios prévus par le livret. Le cadre temporel retenu se veut moderne : les costumes ne dépareraient dans un bal ou une soirée en ville. La simplicité du décor, une pièce triangulaire dont le pan à l’avant-scène s’abaisse, offre des ressorts scénographiques nombreux. Le tout se déroule comme un huis-clos haletant où le pauvre Pasquale perd la boule.
© Monika Rittershaus
Sesto Quatrini choisit des tempi alertes et ne s’attendrit guère. Si la farce avance de manière inexorable, cela se fait au prix d’un mezzo forte permanent que seuls des tutti fortissimo viennent rompre. L’équilibre avec le plateau n’est pas toujours idéal même si les chanteurs (ou le cor solo de Balazs Nemes) ne sont jamais vraiment mis en difficulté. De l’ouvrage robuste et efficace somme toute mais qui ne satisfait pas à tous les codes du bel canto.
Heureusement le plateau affiche la même robustesse à commencer par Gregory Feldmann, notaire inénarrable qui ne quitte pour ainsi pas la scène. Ses quelques répliques font mouche instantanément, sonores et colorées à l’envie. Mingjie Lei nous laisse perplexe. Le timbre, mat et assourdi, n’est pas dénué de charme. On sent le musicien aguerri dans les nuances et couleurs disséminées pour étoffer le personnage. La technique ne pose pas de problème mais on s’étonne qu’Ernesto soit sa carte de visite quand le ténor chinois ne dépasse pas le si aigu. Konstantin Shushakov assure avec méthode le rôle de soutien qu’est Malatesta. Sans réelle occasion de briller, il parvient à s’imposer dans les ensembles tant par le chant que par le jeu. A l’inverse, Julie Fuchs ne sait plus que faire des morceaux de bravoure dans un rôle taillé pour sa voix. Etonnement ce ne sont pas les aigus et suraigus, sans brillant particulier, qui impressionnent mais bien les vocalises, accents et couleurs. Elle fait de Norina une jeune fille aussi attachante qu’exaspérante. Son charisme et son abatage scénique lui valent le triomphe qui l’accueille aux saluts. Enfin Johannes Martin Kränzle habite la scène d’un Pasquale aussi touchant que ridicule. On sent le métier scénique poli année après année tant la présence sur scène irradie. Maitrisant la grammaire belcantiste comme sa poche — le duo sillabato avec Malatesta est un des climax de la soirée — et disposant d’un matériau généreux, il est vocalement proche de l’idéal.