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PERGOLESI, Stabat Mater — Baden-Baden

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Spectacle
27 juillet 2010
Douleurs virginales

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3

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Gala Giovanni Battista Pergolesi (1710-1736) Sinfonia pour le drame sacré Li prodigi della divina grazia nella conversione e morte di S. Guglielmo duca d’Aquitania Cantate pour alto Questo è il piano, questo è il rio Cantate Orfeo pour soprano Nel Chiuso centro Stabat Mater en fa mineur pour soprano, alto, cordes et basse continue Anna Netrebko, soprano Marianna Pizzolato, mezzosoprano Orchestra dell’Accademia Nazionale di Santa Cecilia, Roma Direction musicale : Antonio Pappano Baden-Baden, Festspielhaus, le 27 juillet 2010.

Curieux choix pour un gala que cette sélection d’œuvres de Pergolèse : on aurait pu imaginer un programme plus racoleur ou davantage propice à des feux d’artifices vocaux. Les cantates et le Stabat Mater proposés ici détonnent de prime abord mais donnent lieu à un ensemble cohérent et puissamment évocateur. C’est le tricentenaire de la naissance du compositeur disparu scandaleusement tôt, à l’âge de 26 ans à peine, qui nous vaut cette découverte de cantates rarement proposées et un superbe et flamboyant Stabat Mater quasi-testamentaire qui, s’il nous est forcément familier, est ici interprété avec une fougue, un élan et une rapidité peu communes.

Le récital commence avec la sinfonia de l’oratorio composé par le jeune artiste à la fin de ses études, à vingt ans à peine, qui permet de déployer toute la richesse orchestrale et les inventions mélodiques d’un tuberculeux physiquement affecté mais artistiquement déjà à un apogée. L’orchestre de l’Accademia Nazionale di Santa Cecilia de Rome conduit par Antonio Pappano y montre toute la subtilité de la diversité dans son interprétation et la cohésion d’un effectif aux sonorités équilibrées et pures. Le chef entretient cependant une cadence incroyablement rapide : propice à maintenir la tension et sublimer la virtuosité de chacun, elle nuit néanmoins à la propagation et l’instillation de l’émotion, seul véritable bémol de cette soirée éclatante et magistrale. Cela dit, les capacités d’évocation dramatique exacerbées par un chef rompu à l’exercice font merveille et s’intensifient avec l’arrivée des cantatrices somptueusement servies par un ensemble sonore à leur service, idéalement modulé à leur voix.

C’est la mezzo-soprano Marianna Pizzolato en robe vert émeraude qui donne le ton la première, dans une cantate où les affres de la jalousie amoureuse se teintent de réminiscences heureuses et d’une volonté de tempérance dans les sentiments que sa chaude voix ambrée sert admirablement. On aurait toutefois aimé une émission plus puissante et moins en retrait ainsi que plus de stabilité dans les aigus. La cantate ensuite interprétée par Anna Netrebko, vêtue d’une limpide tenue vert d’eau, laisse percevoir toute l’étendue des talents de la jeune soprano russe habituée du Festspielhaus de Baden-Baden1. En premier lieu, c’est le timbre chaud, la ligne qui fascinent. Le charme et le charisme incroyable de la belle slave font le reste. La diva aborde les rôles de castrats avec un naturel et une facilité dépourvue de maniérismes qui enthousiasment et convainquent. Technique magistrale, richesse des contrastes et ampleur dans tous les registres caractérisent une voix à la puissance apparemment inébranlable.

Après la pause, les deux interprètes reviennent tout de noir vêtues pour le Stabat Mater. Si les tenues sont en accord – à la différence près que celle d’Anna Netrebko, glamoureuse à souhait, scintille de tous ses strass, comme le timbre, contrairement à la sobre robe de sa voisine – les voix elles aussi sont parfaitement en fusion. Et Marianna Pizzolato semble être l’ombre voilée de sa complice d’un soir. Surprenante, cette adéquation enchante, surtout lorsque la voix de soprano se détache pour se faire soudain cristalline, éthérée et angélique dans un climat mystique et fervent, notamment dans le « dum emisit spiritum(et soudain rendit l’esprit) » devenu palpable. Le Stabat Mater est alors excessivement théâtral et déborde d’énergie plus que de plaintes ou de douleur. Ce qui n’empêche nullement la musique de nous envahir et de se distiller comme autant de larmes qui s’accumulent aux tréfonds de l’âme. Las ! Menée tambour battant, l’œuvre s’achève avant que l’émotion ne déborde. Dommage… Le public a tout de même droit à un bis où est repris le « Quando corpus morietur » qui résonne puissamment dans le cœur, dans une cadence à peine plus lente mais cette fois-ci déchirante. Un peu moins de précipitation et cette soirée aurait été franchement sublime. Mais la qualité de la programmation du festival d’été n’en reste pas moins excellente2.

 

1 Elle a interprété en 2009 une Yolanta remarquable dans une production chroniquée ici-même parPierre-Emmanuel Lephay.

2 Voir nos chroniques précédentes : Il viaggio a Reims, Stars de l’Opéra et le Requiem de Verdi.

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