Pour la première production du chef-d’œuvre de Dvořák à l’Opéra-Théâtre de l’Eurometropole de Metz, Paul-Emile Fourny, directeur in loco, a mis la main à la pâte et signe la mise en scène qui voyagera à Reims et à Massy. De facture classique voire littérale, elle souligne les ambiances aquatiques du livret par l’usage de vidéos et trouve des rappels visuels dans l’esthétique Art nouveau, attachée à la République tchèque mais aussi aux villes de l’Est de la France. Etonnamment, c’est le casino de Costanta – ville balnéaire roumaine au bord de la mer noire – tout en volumes et en courbes qui est retenu comme Palais du Prince et horizon fantasmatique de l’ondine. Les costumes et perruques sont particulières soignés pour rehausser les ambiances magiques et princières. Dommage que la direction d’acteur se cantonne au conventionnel pour les personnages principaux, osant quelques traits d’humour ou d’ambiance pour les figurants : le page de la Princesse étrangère qui la suit comme son ombre pour lui enlever ou lui remettre son étole se révèle un choix très pertinent par exemple.
En fosse, l’Orchestre national de Metz Grand Est déploie des couleurs intéressantes sous la baguette de Kaspar Zehnder. Harpe et bois en tête, la toile du conte musical prend vie et la scansion dramatique n’accuse aucun temps mort, tout en soignant le confort du plateau gageant d’une préparation rigoureuse et du très bon niveau de l’orchestre.
Surtout, le plateau vocal réuni s’avère tout à fait satisfaisant. En premier lieu, les chœurs brillent par leur homogénéité et leur présence scénique dans les scènes de bal du deuxième acte. Dans les seconds rôles, se distinguent en particulier le Garçon de Cuisine de Lamia Beuque et le garde-chasse de Matthieu Lécroart dans leur deux scène bouffes, parfaites respirations dans la touffeur du drame. Les trois Naïades remplissent leur office avec une belle complémentarité de timbres. Irina Stopina (la Princesse étrangère) dispose de toutes les ressources nécessaires pour rendre justice au personnage. Elle l’incarne de manière hautaine, comme le lui demande la mise en scène, aux dépens d’accents plus tendres dans les palabres amoureux ou cruels quand il s’agit de crucifier ou Rusalka, ou le Prince. La Jezibaba d’Emanuela Pascu, irréprochable vocalement elle aussi, souffre d’un même axe interprétatif unique. La sorcière, terrifiante dans le livret, se perd un peu dans les quelques gags qu’on lui demande. Marmoréen, Insung Sim propose un Vodnik royal dans le port et le chant. Enfin, le couple principal convainc tout à fait. Milen Bozhkov incarne avec brio un prince fougueux à l’acte I, tour à tour vulgaire et cajolant au II et pathétique au III. Son endurance et son aisance à l’aigu rendent son premier acte enthousiasmant. En prise de rôle, Yana Kleyn, offre un portrait déjà complet de l’ondine dont elle maitrise toutes les exigences vocales. Si son vibrato serré à l’aigu la handicape à l’occasion – sa prière à la Lune en pâtit malgré une ligne et un phrasé élégants – elle s’en sert régulièrement pour appuyer les passages les plus dramatiques du rôle.