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MOZART, Così fan tutte -Aix-en-Provence

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Spectacle
20 juillet 2023
Tcherniakov se fait plaisir

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Così fan tutte, ossia La scuola degli amanti K.588, opera buffa en deux actes
Musique de Wolfgang Amadeus Mozart
Livret de Lorenzo da Ponte, créé le 26 janvier 1790 à Vienne (Burgtheater)

Détails

Mise en scène

Dmitri Tcherniakov

Costumes

Elena Zaytseva

Lumières

Gleb Filshtinsky

 

Fiordiligi
Agneta Eichenholz

Dorabella
Claudia Mahnke

Ferrando
Rainer Trost

Guglielmo
Russel Braun

Don Alfonso
Georg Nigl

Despina
Nicole Chevalier

 

Chanteurs de l’Académie Balthasar Neumann

Orchestre de l’Académie Balthasar Neumann

Direction musicale

Thomas Hengelbrock

 

Aix en Provence, Théâtre de l’Archevêché

Mercredi 19 juillet 2023, 21h30

Dmitri Tcherniakov était incontestablement le personnage le plus attendu dans la nouvelle production de ce Così fan tutte présentée au Festival d’Art lyrique d’Aix-en-Provence, 75 ans après le Così inaugural de 1948. Tout d’abord parce que chacune de ses nouvelles mises en scène est régulièrement guettée pour être encensée ou…étrillée. Et aussi parce que dans la troupe des six chanteurs sur le plateau, on ne retrouve aucun des grands titulaires des rôles, aucun de ceux qui font l’actualité lyrique d’aujourd’hui, on comprendra vite pourquoi ; Tcherni se retrouve donc en pleine lumière.

On pouvait s’y attendre, Tcherniakov fait du Tcherniakov et il se fait plaisir : non seulement il transpose, mais surtout il superpose sa vision de l’œuvre à l’histoire originelle. Le résultat est convaincant, et même un rien bluffant. Il réussit en effet à tirer le fil de son histoire jusqu’au bout, sans faillir, sans laisser place à des incohérences qui gâchent parfois le projet (son Ring berlinois de l’automne 2022 n’en était pas exempt – mais le challenge était autrement ambitieux, concédons-le).

Così fan tutte fait partie des opéras autour desquels il tourne depuis longtemps ; et cette mise en scène, il la travaille depuis que, il y a une dizaine d’années, il la proposa à l’opéra de Zurich – projet auquel la direction avait alors renoncé, de crainte de ne pouvoir le remonter régulièrement in loco.

Ce projet mérite d’être explicité : le point commun (peut-être le seul) avec le livret de Da Ponte c’est le principe de l’échange des couples et de la mise à l’épreuve des protagonistes.
Une fois cela posé, Tcherniakov construit sa propre histoire. Nous sommes à l’époque contemporaine : deux couples d’amis, quinquagénaires, sont reçus dans une villa cossue par les propriétaires, Alfonso et son épouse Despina, pour un week-end de détente (l’action commence explicitement un vendredi soir et s’achève le dimanche après-midi). Lors du dîner d’accueil où les six protagonistes sont présents, Alfonso met sur la table la question de la fidélité dans le couple et lance le fameux pari de l’infidélité des femmes. Chacun, autour de la table bien arrosée, acquiesce et la machine infernale se met en branle.

Les deux couples entrent alors dans un jeu de rôle avec l’objectif de passer un bon moment ; on fait semblant de devoir se quitter, on fait semblant de ne pas reconnaître son époux, on fait semblant de faire la cour à l’autre conjoint. De temps en temps, on cesse le jeu, on se remet autour de la table, on fait le point, on mange, on boit, et le jeu reprend.

Là où les choses deviennent critiques c’est quand Dorabella et Fiordiligi vont se rendre compte que le jeu est en train de devenir la réalité et qu’elles vont réellement tomber amoureuses, qui de Guglielmo, qui de Ferrando. Plus problématique encore, lorsque les maris vont se rendre compte que ce jeu est allé trop loin et qu’on ne peut plus l’arrêter. C’est alors que se révèle la véritable nature d’Alfonso ; il s’est en réalité « spécialisé » dans l’organisation de week-ends échangistes, avec la complicité de Despina. La rébellion des quatre protagonistes va conduire Alfonso à prendre les deux couples en otage, ce en quoi Despina ne le suivra pas et finira par tuer Alfonso d’un coup de carabine.

Le mérite de cette lecture (dont on comprend aisément qu’elle irritera les tenants de l’œuvre originale) est de reprendre certains thèmes présents dans le livret de Da Ponte et d’en donner une lecture actuelle : la fragilité des sentiments dans les couples (ici passée la cinquantaine), la manipulation (poussée à son extrême), la capacité de résilience dans des situations traumatiques etc.

©Monika Rittershaus

Tcherniakov prend en charge la mise en scène et la scénographie et, comme de coutume avec lui, tous les détails comptent. La table de l’espace repas repose sur un triangle adossé à un cylindre et montre par là qu’à tout moment tout peut basculer. Les chambres des deux couples sont mitoyennes et interchangeables. Beaucoup de scènes seront jouées et chantées dans ces chambres : on notera que les femmes entraîneront les hommes dans les chambres qui sont celles des héros malgré eux. Le souci du réalisme est poussé très loin : les interventions du chœur (confiné dans la fosse) sont déclenchées par Alfonso grâce à la télécommande de la chaîne hifi. Et surtout, pour pousser le réalisme jusqu’au bout, Tcherniakov a tenu à ce que les chanteurs aient l’âge de leurs personnages. Il a exigé un casting de quinquagénaires. Et c’est vrai que l’on se retrouve face à des artistes qui, pour certains, avaient quitté leur rôle depuis plusieurs années et qu’ils ont repris pour l’occasion.

Le résultat est une grande réussite théâtrale (tout est crédible, de la première à la dernière note), mais laisse à désirer musicalement. On ne fera pas ici un décompte des imperfections, des problèmes de justesse, de longueur. Cela est inévitable de la part de chanteurs qui n’ont plus l’adresse et la souplesse qu’ils ont pu avoir il y a dix, vingt, ou trente ans. Agneta Eichenholz (Fiordiligi), malgré une voix demeurée souple est bien trop prudente dans ses entreprises mais réussit par sa technique à combler quelques manquements dans la maîtrise des intervalles et la finition des coloratures. Claudia Mahnke (Dorabella) possède un jeu de scène épatant et a brillé dans les ensembles, nous dispense malheureusement de son air du II. La Despina de Nicole Chevalier fait montre d’un abattage admirable mais n’a plus l’agilité vocale attendue. Rainer Trost chante Ferrando depuis les années 1990, le ténor est encore vaillant ; Russel Braun est un Guglielmo de très bonne facture et la projection est efficace. Tout comme l’est Georg Nigl qui campe un terrible Alfonso qui se révélera un ignoble personnage. Ses récitatifs, quasi parlando très souvent, sont d’une redoutable efficacité dramatique.
L’orchestre Balthasar Neumann dirigé par Thomas Hengelbrock , dont les cordes ont ravi, nous a plusieurs fois interrogé sur les tempi choisis. Ainsi entendions-nous pour la première fois le trio du I « Soave sia il vento » chanté au pas de course (on se demande bien pourquoi). Enfin quelques instruments ont souffert des écarts de la température ambiante et ont eu du mal à tenir la justesse jusqu’au bout. La représentation débuta en effet à 21h30 sous une chaleur encore quasi caniculaire et s’acheva trois heures et demie plus tard, alors que la fraîche commençait à tomber sur le théâtre de l’Archevêché.

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Così fan tutte, ossia La scuola degli amanti K.588, opera buffa en deux actes
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Livret de Lorenzo da Ponte, créé le 26 janvier 1790 à Vienne (Burgtheater)

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Mise en scène

Dmitri Tcherniakov

Costumes

Elena Zaytseva

Lumières

Gleb Filshtinsky

 

Fiordiligi
Agneta Eichenholz

Dorabella
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Rainer Trost

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