Pour son récital parisien à la salle Pleyel, Patricia Petibon a choisi des airs issus de son nouvel album Rosso sorti en avril dernier et consacré à des compositeurs baroques italiens. Comme on pouvait s’y attendre, la soprano est apparue toute de rouge vêtue, agrémentant çà et là ses tenues d’accessoires … rouges ! D’une couronne de rosière au chapeau de cabaret, la cantatrice n’a pas manqué d’inspiration pour donner vie à l’imposante scène un peu vide occupée par la quinzaine de musiciens du Venice Baroque Orchestra.
En guise d’ouverture, l’ensemble a interprété un concerto grosso de Haendel qui après une introduction grave et lente, s’est mis à caracoler sur les sentiers de la virtuosité comme pour mieux préparer le public à l’arrivée, tant attendue, de la diva.
Ceux qui avaient parfaitement dans l’oreille le disque de la Petibon auront remarqué que l’ordre du programme était modifié pour le concert. Le récital a ainsi commencé par l’air tiré de l’oratorio San Giovanni Battista d’Alessandro Stradella mettant en scène une Salomé implorante et émouvante qui a permis d’emblée à Patricia Petibon de faire preuve d’un sens dramatique aigu avant d’enchaîner sur le très virtuose « Se il moi dolor t’offende » issu de la Griselda de Scarlatti et de prouver que les circonvolutions vocales ne lui posent aucun problème. La voix belle, souple et docile est déclinée en toute une palette d’articulations du chuchoté au chanté en passant par le parlé, cependant, les transitions entre celles-ci ne sont pas toujours du plus bel effet. Même si c’est parfois au prix de l’esthétique comme ce glissando de fort mauvais goût censé traduire la douleur dans le « Piangero la sorte mia » de Haendel, on ne peut que saluer le soin que met Patricia Petibon à donner corps au texte qu’elle chante.
Mais la soprano ne fait pas qu’interpréter ses personnages, elle les incarne avec fougue usant de gestes parfois un peu trop systématiques comme cette manière de se mettre les mains dans les cheveux à chaque passage expressif, ce qui ne manque pas dans l’opéra baroque! Mimant l’épuisement, elle finit d’ailleurs allongée par terre après le dernier air. Pour autant, la Petibon est drôle notamment quand elle fait mine de séduire avec beaucoup d’ardeur le chef d’orchestre puis descend dans la salle embrasser un spectateur pour le ramener sur scène. Le public est conquis.
Avec le facétieux « Quando voglio » issu de l’opéra Giulio Cesare in Egitto de Antonio Sartorio, parée de son chapeau haut-de-forme écarlate et soutenue par des percussions très rythmées, elle emporte définitivement son auditoire. L’air illustre de façon détournée la puissance de l’Art : « Quand je veux, d’un sourire, je sais séduire ceux qui me regardent » chante la belle Cléopâtre, la Petibon peut en dire tout autant car le public en redemande. La cantatrice fait un premier bis avec le « Lascia ch’io pianga » de Rinaldo avant de redonner le Quando voglio, véritable tube de la soirée que chacun fredonne en sortant du concert.
Malgré quelques petites manies qui font que l’on adore (ou pas) la Petibon, le répertoire de la soirée semble bien rôdé, parfaitement maîtrisé grâce à une réelle complicité entre la chanteuse et le chef d’orchestre Andrea Marcon qui dirige de son clavecin, tout à l’écoute de la diva.
Dans le paysage lyrique, la Petibon est à part, c’est peut-être ce qui en fait une artiste accomplie.