Disons-le sans attendre, tout est loin d’être parfait dans cette nouvelle production de Fidelio à l’Opéra-Théâtre de Metz. Mais après des mois de fermetures et d’absence d’expérience scénique, l’énergie et la joie communicative d’être en scène se communiquent deux actes durant à une salle elle aussi ravie d’être là.
La mise en scène conçue par Paul-Emile Fourny flatte l’œil, c’est son moindre défaut. Les projections vidéos sur le fond de scène et le sol de Virgile Koering placent l’action dans un dédale de pierres et de fer où tout espoir de fuite semble vain. L’innocence aussi y est chassée, telle la poupée de Marzelline que Pizarro confisque pour la bazarder dans la citerne, capharnaüm de petits corps démembrés en plastique. Dommage que ce jeu autour du jouet enfantin s’avère plus comique que symbolique car l’idée en était bonne, bien plus que de revêtir le directeur de la prison et ses sbires de grands imperméables en cuir censés évoquer certaines périodes brunes.
© Opéra-Théâtre Metz
Le plateau réuni à fort à faire. Kristian Benedikt avale la partition avec toute l’énergie wagnérienne qu’on lui connaît, faisant fi de beaucoup de nuances, mais maintenant une ligne un tant soit peu musicale. Deirdre Angenent, plutôt abonnée aux emplois de mezzo du répertoire allemand du 19e siècle, se frotte ici à une écriture vocale redoutable. Si les écarts ne lui posent aucun problème, maintenir la pureté de la ligne et suivre les méandres des vocalises de Leonore la mettent trop souvent dans une position impossible : les aigus finissent bien trop souvent criés et bas, le souffle s’épuise à force d’effort et c’est la justesse sur quasiment toute la tessiture qui finit par en pâtir. On louera l’aplomb et l’envie avec laquelle à chaque fois elle se remet en selle. Stefano Meo propose un Pizarro d’un seul bloc de fonte, puissant, noir et dominateur : l’effet théâtral en est remarquable. Thomas Gazheli, au timbre sombre lui aussi, travaille bien davantage sa diction et son phrasé pour faire le portrait du gouverneur ex-machina magnanime. En Rocco, on retrouve avec joie Franz Hawlata, qui, passé ses premières répliques, déploie une voix au timbre aussi joliment coloré qu’en ses primes années. Son Rocco est attendrissant, veule et drôle. Léonie Renaud (Marzelline) et Yu Chen (Jaquino) égaillent les premières scènes de leurs timbres clairs et fruités. Enfin on saluera les interventions élégantes dans les rôles des prisonniers de Bo Xin et Nathanaël Kahn, tous deux extraits du Chœur de l’Opéra-Théâtre.
Un chœur et une phalange qui s’imposent comme les deux atouts maîtres de la soirée. Préparés par Nathalie Marmeuse, chacune des interventions des choristes frisent l’excellence : les pupitres sont parfaitement unis, les timbres chauds et les nuances proposées épousent le sens du texte et les situations scéniques. L’orchestre dirigé par David Reiland fait montre d’une très grande cohésion. Le chef fait le choix, un peu par nécessité eu égard aux difficultés que rencontre le plateau, de tempi lents. Pourtant il soigne l’élégance et la majesté de l’ensemble, en appuyant ce qu’il faut de contrepoint pour charpenter le discours. Pour tout le reste, il s’en remet au génie de Beethoven, avec raison.