Le lendemain de l’ouverture du Festival d’Ambronay, aux accents d’un Nabucco de Falvetti tout juste redécouvert, l’abbatiale accueille un concert d’une beauté souveraine qui affirme la dimension tragique de la musique de Mozart. Enchâssée entre la symphonie « Passione » de Haydn et la symphonie « Jupiter », la Messe dite « du Couronnement » fait écho au recueillement mystique du premier mouvement de l’œuvre de Haydn tout autant qu’aux affects de la période Sturm und Drang particulièrement audibles dans les 2e et dernier mouvements de « La Passione ». Le jeune chef Jérémie Rhorer communique à son orchestre et aux chanteurs un enthousiasme fervent. On ne ressort pas indemne de cette interprétation fébrile et fulgurante : à aucun moment cette musique ne se contente d’être agréable à entendre, elle nous convoque tout entier, nous confronte au tragique de l’existence et au choc du numineux. De même que la Messe du Couronnement, la Symphonie « Jupiter », avec la construction savante de son dernier mouvement, exécuté à un tempo enlevé qui requiert toute l’énergie des musiciens du Cercle de l’Harmonie, d’une précision confondante sur leurs instruments d’époque, nous laisse pantelants.
La Messe captive d’abord par la qualité de la masse sonore du chœur Aedes, dirigé par Mathieu Romano – et dont les chanteurs se produisent sans partition. Les solistes se distinguent également dans cette interprétation. Jérémie Rhorer, attentif à la grande diversité des rythmes, dirige en se retournant aussi vers les chanteurs placés derrière lui. L’excellence des cordes, la remarquable qualité des vents, tout concourt à faire de cette exécution un moment d’exception. La voix sensuelle du soprano Sylvia Schwartz fait passer une grande émotion en dépit d’un volume sonore parfois trop appuyé dans le premier mouvement et dans les ensembles – mais quels aigus brillants ! L’Agnus dei – dont le début est souvent rapproché de l’air « Dove sono » des Noces de Figaro – est interprété de façon splendide. Le mezzo-soprano Caitlin Hulcup, au timbre raffiné, dispose d’une palette de nuances qui émerveille. Le ténor Jeremy Ovenden charme par son timbre suave, l’évidence de son émission et la longueur du souffle. Andreas Wolf n’est pas en reste, qui fait entendre avec bonheur les graves sonores de sa voix de basse homogène et bien calibrée.
En bis, l’Ave verum de Mozart permet au chœur Aedes de prouver une nouvelle fois les qualités de finesse et de nuances d’interprétation qui sont les siennes, tandis que les sonorités des instruments d’époque résonant dans l’abbatiale d’Ambronay donnent le sentiment de redécouvrir, dans l’interprétation du Cercle de l’Harmonie, ces notes souvent jouées sans la profondeur qui ici les caractérise.