Chef de file de l’école française, chantre de l’opéra-comique, représentant de l’académisme musical, Auber est le compositeur dont l’oeuvre s’est le mieux exportée à l’étranger et à permis la prospérité d’un genre grandement apprécié tout au long du XIXe siècle. Après le sombre Zampa de Hérold programmé Salle Favart en décembre dernier, voici un nouveau bandit romantique et chevaleresque, Fra Diavolo, créé le 28 janvier 1830 dans cette salle qui lui va si bien. Inspiré de l’histoire d’un brigand légendaire dénommé Michele Pezza, sur un livret d’Eugène Scribe et de Germain Delavigne, cet opéra-comique en trois actes est fidèle à son auteur reconnu pour sa musique vive et plaisante, son habileté et son goût pour le travail bien fait, qui savait répondre aux attentes du public bourgeois. Influencé par Rossini, Auber s’avère un mélodiste raffiné et un coloriste inspiré, un artiste en phase avec son temps, comme tente de le démontrer le jeune Jérémie Rhorer à la tête du Cercle de l’Harmonie. Décidément sur tous les fronts cette saison (baroque avec Orphée et Eurydice de Gluck au TCE en octobre, contemporain, avec ses propres compositions données dans le cadre des « Paris de la musique » à Radio France en novembre) le voici très à l’aise dans l’opéra comique du XIXe siècle, pour restituer l’esprit de cette musique avec finesse, légèreté, transparence et gaîté.
Jérôme Deschamps n’est pas Laurent Pelly et sa mise en scène sage et convenue manque de ressort. On aimerait rire, être surpris, titillé, mais ni les décors naïfs et simplistes, ni les gags parsemés au compte-goutte ne suffisent à nous égayer ; seuls les costumes parfaitement croqués, signés Thibaut Welchlin, sont réussis. Désuète, sans doute volontairement, comme pour insister sur les conventions et les maladresses du genre, sa direction d’acteur est extrêmement limitée et à ce jeu, le rôle-titre sort perdant, le couple formé par Lady Pamela et Lord Cockburn bénéficiant d’une attention qui déséquilibre l’ensemble. Kenneth Tarver manque cruellement d’abattage pour rendre pleinement justice à ce « Diable », capable de séduire son monde comme il le souhaite, disposant de plus d’une voix courte et bien légère, qui ne possède pas suffisamment de relief et d’aisance pour affronter la grande scène du 3 « Je vois marcher sous ma bannière » ; que n’a-t-on pensé à engager Yann Beuron à sa place. Même sur le déclin, Nicolai Gedda possédait une autre présence dans l’enregistrement EMI (publié en 1985, dirigé par Marc Soustrot) et où l’on suivait amusé, les frasques de ce bandit sympathique et galant, qui ne parvenait pas à empêcher le mariage de la jolie Zerline avec le fringant brigadier Lorenzo, à qui un Lord et une Lady de passage à l’Hôtellerie de Terracine, offraient fortune et promotion sociale.
Après avoir été Angèle d’Olivarès dans Le domino noir du duo Auber/Scribe, pour Richard Bonynge (Decca 1995), Sumi Jo retrouve ce répertoire avec la même fraîcheur, sa Zerline espiègle et maîtrisée jusque dans les coloratures de son aria « Je suis seule, enfin je respire » du second acte, parfaitement en place, même si son français n’est pas toujours compréhensible.
Ténor encore un peu hésitant, Antonio Figueroa campe un Lorenzo plein de promesses, tandis que Vincent Pavesi ne fait qu’une bouchée de l’hôtelier Mathéo. On retrouve avec plaisir Doris Lamprecht toujours drôle et juste dans ces personnages de fofolle (Lady Pamela) et Marc Molomot amusant Lord Cockburn, plus intéressé par son sommeil que par son épouse…Thomas Dolié (Giacomo) et Thomas Morris (Beppo) à l’étroit dans leurs barriques, complètent la distribution de ce spectacle honnête.