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GLUCK, Écho et Narcisse — Versailles

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Spectacle
28 octobre 2022
Écho et Narcisse métamorphosés

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Drame lyrique en trois actes et un prologue de Christoph Willibald von Gluck, sur un livret de Jean-Baptiste-Louis-Théodore de Tschudi, représenté pour la première fois le 24 septembre 1779 à Paris

Détails

Écho
Adriana González

Narcisse
Cyrille Dubois

Amour
Caroline Jestaedt
Cynire
Sahy Ratia
Églé
Cécile Achille
Aglaé
Adèle Carlier
Thanaïs
Laura Jarrell
Sylphie
Lucie Edel

Le Concert Spirituel
Direction musicale
Hervé Niquet

Opéra Royal (Versailles), vendredi 21 octobre 2022, 20h

Paris (et sa région) connaît en ce début d’automne une véritable folie gluckiste : après Orfeo ed Euridice et le plus rare Iphigénie en Aulide au Théâtre des Champs-Élysées, et avant Armide à l’Opéra Comique, c’est Écho et Narcisse qui a été donné à l’Opéra royal du Château de Versailles vendredi dernier. Il s’agit de la dernière œuvre que Gluck composa et c’est probablement son œuvre parisienne la moins connue – ce n’est pourtant pas une adaptation d’une pièce antérieure mise au goût du public parisien, comme Orphée et Eurydice, mais bien une commande de l’Académie royale de musique, dans le sillon de l’immense succès public d’Iphigénie en Tauride. 

Néanmoins, à l’époque, l’œuvre fut un véritable four, et son échec contribua au retour de Gluck à Vienne, qui renonça ensuite à la composition. Le seul témoignage audio qui pouvait jusqu’à présent nous permettre d’entendre l’œuvre, un enregistrement réalisé par René Jacobs dans la foulée d’une série de représentations en 1987, donnait plutôt raison aux spécialistes de Gluck, qui considèrent pour la plupart que l’échec de l’œuvre était justifié, même s’il était principalement lié à des cabales menées contre le compositeur allemand. Piotr Kaminski, dans ses 1001 opéras, n’est pas très tendre non plus avec cette pastorale. Mais ce concert versaillais, et l’enregistrement qui paraîtra bientôt, redonnent à cette pièce sa chance, avec beaucoup d’art et de conviction.

Accordons d’abord aux détracteurs de l’œuvre que le livret met en scène de manière assez statique et convenue les amours contrariés de la nymphe Écho et du berger Narcisse. Puisant la trame de son livret dans les Métamorphoses d’Ovide, Jean-Baptiste-Louis-Théodore de Tschudi en modifie l’issue finale : ici, l’Amour ramène Écho à la vie pour que Narcisse puisse enfin la retrouver (et ils vécurent heureux, etc.). Le prologue a des dimensions gigantesques : alors même que trois actes lui succèdent, il occupe près d’un tiers de l’œuvre. Il met très conventionnellement en scène l’Amour au milieu des Zéphirs et des Plaisirs, évoquant les deux amants qui donnent leur nom à la pièce qui suivra. Cependant, les accents héroïques des récitatifs et des airs de l’Amour, les teintes plutôt sombres de l’orchestration (ce sont parfois les timbres des bassons, des cordes graves et des cors qui dominent) et la tournure anxieuse de certaines danses confèrent à ce prologue de convention un caractère plutôt singulier. 


© Pascal Le Mée

La suite de l’opéra est plus inégale, avec de beaux moments (le chœur du début du premier acte, très mozartien ; l’air d’Écho « Ah ! rends-lui ton amour », au beau dessin mélodique ; le quatuor virtuose et virevoltant entre les quatre suivantes d’Écho ; le finale de l’acte II, ensemble de déploration poignant), mais d’autres assez peu inspirés, qui tiennent malgré tout sur le plan dramatique et musical grâce à l’interprétation habitée des artistes en présence. Mentionnons tout d’abord l’incarnation exceptionnelle de Cyrille Dubois, Narcisse tourmenté et nuancé. Le chanteur, qui avait déjà ébloui en Achille dans la récente version de concert d’Iphigénie en Aulide au TCE est ici encore au sommet de ses moyens vocaux et dramatiques. Chaque phrase claque avec justesse, ciselée dans le moelleux d’un timbre délicat qui peut à l’occasion se charger d’un mordant plus héroïque. Du très, très grand art. En Écho, Adriana González fait montre d’un tempérament tragique et d’une intensité musicale remarquables. La voix est peut-être trop opulente et puissante pour un rôle de nymphe, mais cela confère au personnage une aura d’héroïne de grand drame. Cependant, la richesse et la rondeur de la voix sont obtenues au détriment de la clarté du texte, seule petite réserve qu’on pourrait adresser à cette jeune chanteuse extrêmement prometteuse et touchante. 

Dans le rôle secondaire de l’Amour, qui occupe néanmoins une part importante de l’œuvre, puisque c’est celui qui domine tout le prologue, Caroline Jestaedt fait merveille. Les teintes acidulées de son timbre de soprano apporte quelque chose de juvénile à ses airs et récitatifs très héroïques et déclamatoires. Sahy Ratia est un Cyrine de haut lignage, vocalisant adroitement et chantant à fleur de lèvres, avec une précision musicale et verbale rare. Première des nymphes de la suite d’Écho à faire son apparition, Aglaé est interprétée par Adèle Carlier, qui fait forte impression. L’artiste est jeune, mais la densité vocale et dramatique est déjà saisissante. Cécile Achille est quant à elle une Églé frémissante, au verbe haut et à la ligne musicale soignée. Faisant toutes deux une très courte apparition dans le quatuor féminin de l’acte II, Laura Jarrell et Lucie Edel s’extraient du chœur pour incarner respectivement Thanaïs et Sylphie. Lucie Edel ne chante jamais seule, mais son timbre de soprano aux couleurs sombres est mis adroitement au service d’une belle science musicale. De son côté, on sent que Laura Jerrell tient à montrer ce qu’elle vaut au moyen des quelques phrases solistes qui lui sont accordées, lancées de manière quelque peu véhémente, mais on doit avouer avoir été justement très impressionné par la présence dramatique et l’engagement vocal de cette très jeune artiste, qu’on aimerait assurément entendre dans un rôle plus long et consistant !

En fosse – fait rare pour une version de concert, mais qui permet heureusement de placer les chanteurs au bord de la scène, sans que le son de l’orchestre n’écrase leur voix – Le Concert Spirituel effraie d’abord quelque peu. L’ouverture est dirigée de manière pesante par Hervé Niquet et les problèmes d’intonation sont nombreux. On retrouve cependant par la suite les qualités de timbres et d’engagement de cette formation orchestrale et les musiciens exaltent la musique de Gluck, parvenant à un alliage idéal entre la densité dramatique, rendue par l’implication des cordes et la profondeur de leur son, et la grâce du dessin mélodique, relevé par les vents en particulier. Le chœur est quant à lui toujours proche de l’idéal, joignant la verve musicale à la cohésion sonore, et contribue pleinement à la réussite de cette réhabilitation d’Écho et Narcisse, qui n’est certes pas un chef-d’œuvre, mais pas non plus l’opéra indigne de son compositeur qu’on évoque souvent.

 

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Écho
Adriana González

Narcisse
Cyrille Dubois

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Églé
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