Pour cette nouvelle édition de son festival d’automne, « La Grande Gare », le Festspielhaus de Baden-Baden nous propose une série d’œuvres tirées du patrimoine européen, comme le veut la tradition de cette jeune manifestation. Parmi la sélection se distinguent deux opéras de Gluck, qui succèdent aux spectaculaires Cavalleria rusticana de 2022 en version de concert, puis Werther l’an passé, mis en scène par Robert Carsen, tous deux sous la direction de Thomas Hengelbrock, étroitement lié à la programmation du festival.
C’est donc sous l’égide du chef d’orchestre allemand dont on connaît le sérieux du travail de recherche et la subtilité de son approche que se place cette version scénique d’Iphigénie en Tauride. L’œuvre est dirigée avec rigueur, justesse et précision par un Thomas Hengelbrock qui réussit à faire s’équilibrer un orchestre laissant la part belle aux voix. Les différents pupitres sont ainsi au service de la ligne dramatique pure et l’on se délecte de la délicatesse et de la beauté que nous offrent le Balthasar-Neumann-Orchester. Cela dit, le résultat paraît au final bien lisse ; la tempête, par exemple, n’impressionne guère et le tout manque curieusement de souffle épique. Le Balthasar-Neumann-Chor fait, quant à lui, grande impression et les seconds rôles qui en sont issus se montrent impeccables.
Du côté des solistes, Tara Erraught incarne une Iphigénie tout en intériorité, altière et noble. La mezzo irlandaise témoigne d’une grande endurance, puissante dans les graves, vibrante dans les aigus, autoritaire dans les médiums. La prononciation du français gagnerait cependant à être plus précise. On regrette de ne pas avoir eu une mise en scène qui aurait de fait poussé l’interprète à une plus grande expressivité. Si l’on ne trouve pas grand-chose à redire à la chanteuse qui est tout à fait à sa place, on l’aurait voulu davantage tragédienne. Armando Noguera incarne un Thoas puissant et fragile à la fois. Le baryton argentin dégage une aura puissante et menaçante tout à fait bienvenue. Les deux soldats grecs Pylade et Oreste rivalisent de qualités qu’ils combinent harmonieusement, en particulier dans leur duo de l’acte III. Le ténor palermitain Paolo Fanale déploie une chatoyante palette d’émotions qui vont de la tendresse à la révolte, de l’esprit de sacrifice à celui de sauveur tout en force avec brio. À ses côtés, Domen Križaj incarne un Oreste tout en puissance et autorité, mais dont les intonations se font l’écho des sentiments des autres protagonistes en un subtil nuancier qui cimente l’harmonie ressentie à l’audition des différentes voix. Le baryton magnifie une distribution très homogène, bien qu’un peu trop sage à notre goût.
Deux jours plus tard, c’est à un Orfeo en italien cette fois, avec la Bartoli, qu’on a rendez-vous. Gageons que la belle diva romaine approchera l’univers de Gluck avec davantage de feu et de passion apparente.