Pour ce nouveau Nabucco à la Deutsche Oper, Keith Warner a choisi un écrin industriel de la fin du XIXe siècle. Dans les décors assez désolés de Tilo Steffens, qui sollicitent néanmoins abondamment le recours au plateau tournant, le temple de Jérusalem est symbolisé par une imprimante géante qui crache des banderoles de texte en hébreu. Avec les costumes juifs des choristes signés Julia Müer, ce sont les deux éléments véritablement signifiants de cette mise en scène.
Cette production relativement neutre laisse donc une large place à l’orchestre et aux chanteurs, tous en mode superlatif.
Dans la fosse, l’orchestre de la Deutsche Oper est galvanisé. Tire-t-il sa fougue de la jeunesse de son chef (Andrea Battistoni, 26 ans) ? Quoi qu’il en soit, l’énergie fournie par le pupitre des percussions et la vitesse d’exécution de l’ensemble donnent aux cadences de la partition des allures rossiniennes.
Les chœurs puissants et dotés d’une grande musicalité rivalisent avec l’orchestre pour fournir la trame sonore à l’opéra. Ils abordent le « Va pensiero » du dernier acte avec une grande douceur mêlant le recueillement à l’exaltation.
Sur la scène, la puissance vocale d’une distribution majoritairement slave est de mise. D’entrée, on se trouve confronté à un Zaccaria colossal. Bien que la basse russe Orlin Anastassov laisse passer quelques craquements imperceptibles, révélateurs d’un volume forcé ou d’une technique imparfaite, l’effet est saisissant. L’Abigaille de la mezzo-soprano Anna Smirnova est pareillement impressionnante. Elle sollicite son large registre pour faire face avec force et conviction aux difficultés de ses airs : ni les cadences redoutables, ni les séries de contre-ut ne l’effrayent. Son forte lui permet de surpasser aisément le chœur tandis que lorsque la partition lui intime de chanter piano, il lui suffit de tourner le dos à la salle pour atténuer le volume.
A leur côté, le baryton bulgare Dalibor Jenis campe un Nabucco très convaincant. Remplaçant au pied levé le tenant du rôle, il peine à s’imposer au premier acte, mais domine son rôle dès qu’il perd l’esprit.
Ronnita Miller incarne une Fenena sensible. Elle construit son personnage par touches successives dont elle puise les couleurs dans une palette vocale tout en nuances. Yosep Kang impose le personnage d’Ismaele avec panache en interprétant sa partie avec beaucoup de brillant.