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HAENDEL, Ariodante – Martina Franca

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Spectacle
1 août 2024
Et rugir de plaisir

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Dramma musicale en trois actes HWV 33 (Londres, Covent Garden, 8 janvier 1735)

Musique de Georg Friedrich Haendel

Poésie de Ginevra principessa di Scozia d’Antonio Salvi

d’après Orlando furioso de Ludovico Ariosto

Nouvelle édition critique par Bernardo Ticci, pour le Festival della Valle d’Itria

Détails

Nouvelle production du Festival della valle d’Itria

Mise en scène
Torsten Fischer

Décors
Herbert Schäfer

Costumes
Vasilis Triantafillopoulos

 

Ariodante
Cecilia Molinari

Ginevra
Francesca Lombardi Mazzulli

Polinesso
Teresa Iervolino

Re di Scozia
Biagio Pizzuti

Lurcanio
Manuel Amati

Dalinda
Theodora Raftis

Odoardo
Manoel Caputo

 

Orchestre baroque Modo Antiquo

Direction musicale
Federico Maria Sardelli

 

 

 

Troisième titre de cette cinquantième édition du Festival de la Valle d’Itria, l’Ariodante de Haendel était donné dans le petit théâtre Verdi sous la direction de Federico Maria Sardelli et de son ensemble Orchestra barocca Modo Antiquo. Comment rendre compte de la réception sans recourir aux descriptions des manifestations dans les stades, quand les applaudissements et les ovations semblent insuffisants à exprimer le plaisir et que le public se met à rugir ?

Oui, elles comptaient pour bien peu, en regard de la qualité globale du spectacle, la prestation douloureuse des cors au premier acte, et  les nasalités persistantes d’un interprète aux vocalises appliquées. Qualité visuelle d’abord, puisque la scène ouverte offre une enfilade de hautes embrasures probablement vouées à représenter l’étendue et la profondeur du palais du roi, décor signé Herbert Schäfer. Tout est d’un blanc immaculé. A jardin et à cour une porte à l’avant-scène. Dans le dernier encadrement, qui apparaît comme une niche, la projection du tableau d’une femme-panthère sera suivie de l’image en noir et blanc de la lune, et peut-être d’autres qui nous ont échappé, la taille du spectateur assis devant nous ayant entraîné une vision partielle de la scène, mais les proportions d’ensemble, le rapport entre la hauteur, la largeur et la profondeur donnent le sentiment immédiat d’une élégante harmonie.

Cette vue sur les profondeurs est ensuite masquée par deux panneaux latéraux qui glissent tels des vantaux de  porte en laissant un espace à l’avant-scène permettant à un personnage jailli de la coulisse de bondir en scène. Qui est-il, mince dans son vêtement noir et son haut de forme, à évoquer Johnny Depp ? En revanche le maquillage évoquant le personnage maléfique du Joker permet d’identifier le traître Polinesso. Et cette femme en grand deuil, qui est-elle ? Et les autres, comme elles, qui semblent défiler ou se poursuivre ? Le choix des couleurs contrastées – noir/blanc – vise-t-il à identifier les méchants ? Ce n’est pas si simple, parce que ce sont celles des tenues de soirée qui sont l’uniforme dans les palais royaux. On a fini par comprendre que le ludion primitif était Ariodante, mais pourquoi le voit-on ensuite en porte-chaussettes ? Cependant l’impact visuel des costumes de Vasilis Triantafillopoulos est fort et son élégance séduira jusqu’au bout.

Ce n’est pas que toutes les options de la mise en scène nous aient convaincu, en particulier le traitement de la fête qui tourne à la beuverie collective, une idée qui n’a rien d’original. Mais plus singulière est la danse qu’Ariodante exécute avec un long bâton terminé par un bouquet végétal, qui sera reprise au troisième acte par tous les personnages à l’exception de Polinesso, déjà éliminé. Les propos succincts de Torsten Fischer reproduits dans le programme de salle ne nous ont pas éclairé. Convaincu par le traitement du personnage de Polinesso, dont la dangerosité est manifestée par les violences physiques à l’égard de Dalinda, acceptant que le désarroi du souverain le montre proprement abattu, il nous est difficile d’admettre la présence de Ginevra avec les autre personnages pendant l’air « Dopo notte » alors qu’elle est censée attendre le résultat de l’ordalie dans sa prison.

A moins que, à ce point de la représentation, metteur en scène et chef d’orchestre se soient mis d’accord pour traiter les scènes finales non comme les dernières étapes du drame mais comme l’épiphanie glorieuse de l’œuvre. Car l’exécution de « Dopo notte » a fait partie de ces instants qui comptent dans la vie d’un spectateur : les « bons » personnages qui aiment Ariodante et souscrivent à ses paroles sont disposés autour de l’espace à l’avant-scène, et si le héros quitte sa place, c’est pour la reprendre bientôt, parce que le mal a été vaincu et l’harmonie de la communauté n’est plus menacée. Cecilia Molinari avait déjà chanté le rôle à Lisbonne. L’a-t-elle mûri depuis ? En tout cas sa prestation a été éblouissante de sûreté technique, et, s’insérant dans la continuité musicale, d’une justesse émotive bouleversante. L’appel du public a été tel que le chef lui a accordé le bis de la dernière reprise, encore plus ornée et confirmant l’excellence où elle plane désormais. On a presque honte de dire que c’était inutile : de l’extase où la fusion de la musique et de la voix, réalisée grâce aux qualités intrinsèques magnifiées par l’apprentissage, nous avait élevé, nous redescendions dans l’arène de la performance. Evidemment l’emprise de la voix ne se limitait pas à ce « tube », ni à l’autre, ce « Scherza infida » que nous aurions aimé un rien plus lent, mais c’était l’option du chef. Cette merveilleuse exploitation de la maîtrise vocale conquise s’accompagne d’une désormais complète désinvolture au service de la crédibilité scénique.

Sans doute croira-t-on, après un tel éloge, qu’il sera difficile de parler des autres interprètes. A tort, car hormis un Lurcanio constamment nasal et aux vocalises appliquées, ce sont des lauriers pour tous. Certes, le rôle d’Odoardo n’est qu’une utilité, mais émis par le timbre de Manuel Caputo il serait presque flatteur. Imposant par sa taille, le roi de Biagio Pizzuti l’est aussi par la profondeur et la souplesse d’une voix dont il use avec une musicalité irréprochable. Le chanteur se plie apparemment avec aisance à la mise en scène qui met en évidence, par des postures et des attitudes,  l’homme qui souffre derrière le responsable de l’harmonie du royaume.

Dalinda, la jeune fille énigmatique – est-elle simple d’esprit pour se prêter à une mascarade lourde de conséquences ? Est-elle masochiste pour s’être éprise d’un homme qui la méprise ? Sa sensualité est-elle si fortement excitée par Polinesso qu’elle ne peut rien lui refuser ? – est échue à Theodora Raftis, jeune soprano anglo-chypriote qui semble se spécialiser dans la musique baroque. Si elle n’a pas encore tout le raffinement de notre dernière Dalinda, Sandrine Piau, elle semble avoir tous les moyens, vocaux et scéniques, pour devenir une référence du rôle.

A en croire la biographie contenue dans le programme, ce Polinesso serait une prise de rôle pour Teresa Iervolino. Sidérante dans son apparition où l’on hésite, alors qu’on sait qui interprète le rôle, tant l’apparence et le maintien créent l’illusion du masculin, elle compose dans les moindres détails un personnage à la limite du psychopathe, en évitant les excès qui auraient pu rendre le personnage grandguignolesque. L’aplomb de la voix, la fermeté de l’émission, l’homogénéité des registres s’accordent à ce jeu dramatique et suscitent à juste titre l’admiration et l’enthousiasme, que la virtuosité emphatique de son air de défi, le dernier, va déchaîner. Guenièvre, en revanche, mettra plus longtemps à mettre sa voix en accord avec son personnage, à moins que nous n’ayons pas bien compris la direction d’acteurs qui fait de la jeune fille une extravertie démonstrative. Cette pétulance dans la zone aigüe que  nous entendons dans la voix de Francesca Lombardi Mazzulli s’atténuera, et peut-être fallait-il percevoir que ce changement correspondait à l’évolution du personnage ? En tout cas une interprétation dont elle n’a pas à rougir !

Maître d’œuvre de l’exécution musicale, Federico Maria Sardelli dirige amoureusement l’Orchestre Modo Antiquo dont les cors se distinguent fâcheusement au premier acte. Dans le programme de salle, il justifie ses options d’une version quasi intégrale, à l’exception des danses, ajoutées après la composition et qui ne figurent pas sur le manuscrit autographe. Seuls deux récitatifs d’Ariodante, sauf erreur nôtre, ont été omis. Quant au continuo, le chef explique que l’emploi du théorbe et des guitares était en déclin depuis plus de trois décennies à l’époque de la création, d’où sa décision de s’en passer. Ces choix n’altèrent aucunement le plaisir, qui se concentre sur une direction inspirée dont l’horizon semble être une précision rigoureuse qui ne sacrifie rien de la souplesse indissociable de l’expression des affects.

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Dramma musicale en trois actes HWV 33 (Londres, Covent Garden, 8 janvier 1735)

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Poésie de Ginevra principessa di Scozia d’Antonio Salvi

d’après Orlando furioso de Ludovico Ariosto

Nouvelle édition critique par Bernardo Ticci, pour le Festival della Valle d’Itria

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Nouvelle production du Festival della valle d’Itria

Mise en scène
Torsten Fischer

Décors
Herbert Schäfer

Costumes
Vasilis Triantafillopoulos

 

Ariodante
Cecilia Molinari

Ginevra
Francesca Lombardi Mazzulli

Polinesso
Teresa Iervolino

Re di Scozia
Biagio Pizzuti

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Direction musicale
Federico Maria Sardelli

 

 

 

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