Quelques jours seulement après Paris (https://www.forumopera.com/spectacle/haendel-giulio-cesare-in-egitto-paris/ ), les équipes de Cecilia Bartoli, parties pour une tournée européenne, faisaient escale à Bruxelles, ville qu’elles avaient boudée l’an dernier au profit de Liège, pour une représentation unique du Giulio Cesare de Haendel.
Le spectacle ayant déjà fait l’objet dans ces colonnes d’une recension très complète par notre estimé collègue, nous n’allons pas répéter tout ce qu’il a dit fort à propos, même si notre avis global sur la soirée est plus enthousiaste que le sien.
Il y a bien sur un peu de ridicule dans ces mises en espace qui ne sont pas des mises en scène, et qui reproduisent des poncifs surannés, sans souci dramaturgique et avec une certaine candeur. Qu’importe si Cecilia Bartoli réalise ses rêves d’enfant en enfilant des robes de princesse et en se pavanant sous des éventails de plumes d’autruche, si Carlo Vistoli provoque l’hilarité en montrant les belles chaussettes rouges qu’il arbore sous son smoking, et si tout cela nous détourne quelque peu du drame. La partition, à la trame dramatique fort distendue, permet ces digressions et la musique n’en souffre pas trop.
Le niveau global de la prestation est de grande qualité, eu égard aux immenses difficultés vocales de la partition. Certes, il y a à redire sur certains chanteurs de la distribution, mais n’est-ce pas le mérite de Cecilia Bartoli d’entrainer dans son très commercial sillage des jeunes moins expérimentés et néanmoins pleins d’ardeur ? Nous aussi, nous avons été un peu irrité par les grimaces et les gesticulations de Carlo Vistoli, mais la solidité de la voix, l’extraordinaire facilité de ses vocalises sont éblouissants.
Et que dire de la magnifique sobriété de Sara Mingardo, exemplaire de dignité et d’intensité vocale, la seule qui compose réellement un personnage dramatiquement élaboré. Max-Emanuel Cencic campe un Tolomeo pusillanime et peu incarné, la voix manque de volume et d’impact. Kangmin Justin Kim en Sesto montre lui aussi une belle disposition pour les vocalises, la voix trouvera avec le temps la profondeur et la précision nécessaires. La basse bolivienne José Coca Loza, dans le rôle d’Achilla livre une prestation tout à fait honorable même si le rôle est somme toute secondaire. Quant à Cecilia Bartoli elle-même, sans doute pas au meilleur de sa forme vocale mais tout de même absolument souveraine dans ses aigus filés, la virtuosité de ses vocalises, son aisance scénique, son plaisir du chant et de la scène, l’immense engagement d’énergie qu’elle y met, elle deviendrait presque la meneuse de revue de ce spectacle.
Au fil des ans et sous la direction de Gianluca Capuano, les musiciens du Prince-Monaco assoient leur réputation de solidité. Avec des tempi très rapides, beaucoup de contrastes dynamiques, ils assurent la cohésion musicale de la soirée sans faillir. On pourrait souhaiter cependant un peu plus de soin, plus d’imagination dans la recherche de couleurs instrumentales, l’allègement des ornements et des effets, et l’élaboration d’affects intermédiaires entre la virtuosité débridée ou le lamento désespéré (ces deux nuances là fonctionnent très bien, merci).
La salle archi-comble (2.100 places…) se lève comme un seul homme dès le dernier accord posé, et fait aux artistes une standing ovation mémorable, à la mesure du caractère festif, brillant et virtuose de la partition. Visiblement ravi, le public obtiendra même que soit bissé le chœur qui termine la pièce et ressortira enchanté de sa soirée, n’est-ce pas là le principal ?