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HAENDEL, Giulio Cesare in Egitto – Toulouse

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Spectacle
22 février 2025
Rôde la mort

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Opéra en trois actes. Livret de Nicola Francesco Haym.
Créé au King’s théâtre Haymarket de la Royal Academy of Music de Londres le 20 février 1724

Détails

Mise en scène
Damiano Michieletto
Décors Paolo Fantin
Costumes
Agostino Cavalca
Chorégraphie
Thomas Wilhelm
Lumières
Alessandro Carletti

Giulio Cesare
Rose Naggar-Tremblay
Cleopatra
Claudia Pavone
Cornelia
Irina Sherazadishvili
Sesto
Key’mon Murrah
Tolomeo
Nils Wanderer
Achilla
Joan Martín-Royo
Nireno
William Shelton
Curio
Adrien Fournaison

Les Talens Lyriques
Direction musicale
Christophe Rousset

Coproduction avec le Théâtre des Champs-Elysées, Oper Leipzig, l’Opéra national de Montpellier et le Teatro dell’Opera di Roma (2022)
Toulouse, Théâtre du Capitole, vendredi 21 février 2025, 19h

Etonnamment, Giulio Cesare in Egitto manquait au répertoire de l’Opéra National du Capitole de Toulouse ; il vient d’y faire une entrée réussie grâce à une combinaison gagnante plateau – orchestre – mise en scène chaleureusement saluée au baisser de rideau. Le public toulousain n’a pas réservé à la co-production due à Damiano Michieletto le même sort que celui du TCE en son temps (2022), public parisien qui n’avait guère goûté la transposition du metteur en scène vénitien. Et pourtant, il ne sera certainement pas dit que tout, dans cette proposition, est limpide et nécessaire, mais la réflexion de Michieletto sur le personnage de Jules César demeure, tout au long de l’ouvrage, cohérente, intéressante, parfois même passionnante.
Ici, César termine son parcours, la mort le hante, la mort le guette ; de fait, à peine deux ans après les évènements historiques narrés par le librettiste Niccolò Francesco Haym (nous sommes en -46), César sera assassiné. Or les Brutus sont déjà là, ils sont sur scène, en toge et armés de poignards pour qu’on ne s’y méprenne pas. Mais ce n’est pas tout, du début à la fin, c’est la mort qui rôde, c’est la mort la figure centrale, magnifiquement incarnée par le fantôme de Pompée. La mort c’est tout d’abord ce personnage mystérieux qui apparaît en fond de scène pendant l’ouverture, ce fond de scène qui figurera au long de l’ouvrage le royaume des Parques. L’homme est entravé de fils rouges, il vient de cet univers interlope, il reviendra, tentant d’attirer à lui César sans y parvenir encore. L’au-delà ce sont aussi les trois Parques, quasi omniprésentes et qui tirent ou coupent les fils rouge sang. Tantôt, elles se contentent d’être en fond de scène et accueillent Pompée, puis Achilla et Ptolémée lorsque ceux-ci sont tués, tantôt elles s’invitent dans la vie d’ici-bas et s’approchent des personnages. Tantôt encore, ce sont les personnages vivants qui s’aventurent dans leur jardin, signifiant ainsi la fragilité des existences.
Et puis il y a Pompée, dont on apporte la tête, non pas sur un plateau comme l’exigerait le livret mais dans une boîte de bois laissant dégouliner le sang. Ce sang qui sent la mort va obnubiler les personnages les uns après les autres et César en premier. Pompée, ou plutôt son fantôme – c’est l’une des belles trouvailles de Michieletto –  va s’inviter les trois actes durant, se tournant vers les Parques pour peser dans la balance qui jauge les vies, vers le fils Sextus, qui ne rêve que de vengeance, vers l’épouse Cornélie qui pourrait bien céder aux avances de Ptolémée, prix à payer pour obtenir sa propre libération et celle de son fils.
Tout cela est rendu par des décors signés Paolo Fantin qui, à trop vouloir ne pas représenter quelque époque que ce soit et universaliser le propos, ne représentent plus rien. Tout le premier acte se passe dans une pièce nue aux murs blancs, n’était le sombre royaume des Parques en fond de scène. La chambre de Lydie-Cléopâtre est un espace immense, vide, nu et noir, tout sauf propice aux épanchements. Nul doute qu’on aurait pu habiter davantage l’espace. Idée bienvenue en revanche de vêtir (les costumes sont signés Agostino Cavalca) les protagonistes sans les figer dans une époque.


© Mirco Magliocca

Les Talens lyriques de Christophe Rousset sont dans leur élément dans ce Haendel virevoltant. Les cordes sont magnifiques de précision et d’élégance, les pupitres irréprochables (le cor obligé est soigné, le violon solo précis). C’est toutefois dans la conduite d’ensemble qu’il nous manque quelque chose, une conduite cohérente des tempi qu’on ne perçoit pas. Certes, on aura bien compris l’attention portée aux solistes et la nécessaire adaptation aux capacités de chacun sur scène ; ainsi le « Presti omai » est-il pris en retrait. Mais pourquoi alors hâter le pas dans le « Va tacito » du même César ? Il semble que Christophe Rousset laisse l’orchestre en retrait, nous privant d’un mordant, d’une allegria pourtant coutumière. Et enfin nous devrons nous passer des chœurs, pas de « Viva viva ! » en entrée.
L’élaboration du casting n’a pas été une partie de plaisir. La contralto québécoise Rose Naggar-Tremblay devait être Cornelia. Toutefois, suite au retrait d’Elizabeth De Shong, initialement prévue, c’est elle qui reprend le rôle-titre sept jours avant le début des répétitions. Grâce lui soit rendue. En ce soir de première, tout n’est pas encore parfaitement calé, l’air d’entrée notamment se fait en mode économique. Mais la soirée va voir s’épanouir le chant et nous offrir un timbre d’une si belle élégance, un timbre de velours avec certains accents enivrants. Cléopâtre, sans doute le rôle le plus ardu de la pièce, est tenu par une Claudia Pavone tellement agile et à l’ambitus impressionnant ; il reste à parfaire la stabilité et, ici et là, la justesse. Mais quelle endurance et quel engagement ! Pour remplacer Rose Naggar-Tremblay glissant sur le rôle de César, c’est la mezzo géorgienne Irina Sherazadishvili qui reprend Cornélia. On ne perd pas au change, le mezzo est d’une chaleur incandescente et le jeu de scène percutant. Le Sextus de Key’mon Murrah remporte un triomphe mérité, qu’il doit à l’extraordinaire amplitude de la voix, capable d’habiter les graves et de franchir les plus hauts sommets, le tout avec ce qui ressemble à une insolente facilité. Nous retiendrons sans doute le plus beau moment musical de la soirée, le duo Sextus-Cornélie en clôture du I (« Son nata a lagrimar ») où les deux voix s’allient pour un moment d’éternité. Le contre-ténor américain, vainqueur en 2022 du 40e International Hans Gabor Belvedere Singing Competition à Jurmana (Lettonie) mérite qu’on le suive de près dans ses prochaines prises de rôles. Le Ptolémée de Nils Wanderer est un parfait salaud ; monstre maniéré, efféminé, sans retenue, il est de ces anti-héros qu’on adore détester. Wanderer met une voix fortement projetée au service de ce jeu. Sachons gré au baryton barcelonais Joan Martín-Royo d’avoir remplacé au pied levé Edwan Fardini et d’avoir proposé un Achilla plus que crédible. William Shelton (Nireno) n’a qu’un aria da capo à chanter mais il s’en acquitte fort bien, de même que Adrien Fournaison est un Curio tout ce qu’il y a de crédible.

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Créé au King’s théâtre Haymarket de la Royal Academy of Music de Londres le 20 février 1724

Détails

Mise en scène
Damiano Michieletto
Décors Paolo Fantin
Costumes
Agostino Cavalca
Chorégraphie
Thomas Wilhelm
Lumières
Alessandro Carletti

Giulio Cesare
Rose Naggar-Tremblay
Cleopatra
Claudia Pavone
Cornelia
Irina Sherazadishvili
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Key’mon Murrah
Tolomeo
Nils Wanderer
Achilla
Joan Martín-Royo
Nireno
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Coproduction avec le Théâtre des Champs-Elysées, Oper Leipzig, l’Opéra national de Montpellier et le Teatro dell’Opera di Roma (2022)
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