Le Théâtre du Châtelet nous a peu habitué à mettre à l’affiche de nouvelles productions lyriques ces dernières années. Aussi, cet Orlando de Haendel semble renouer avec une programmation délaissée, d’autant que l’affiche ne manque, sur le papier, pas d’atouts.
En fosse, ce sont des Talens lyriques particulièrement bien préparés qui officient. Beauté des pupitres, équilibre général : l’œuvre de Haendel peut déployer ses charmes instrumentaux, peut-être moins évidents que dans d’autres chefs-d’œuvre du maitre. Christophe Rousset dirige avec un doigté certain, soucieux de son plateau et des gabarits de ses chanteurs. Cela explique sans doute les quelques passages plus tièdes qui émaillent la représentation.
Annoncée tout juste convalescente, Katarina Bradic ménage l’intégrité de sa voix toute la soirée. Ce faisant, elle renonce à certaines nuances mais conserve intacte une technique irréprochable couronnée par des vocalises précises et surtout une palette de couleurs et d’accents avec lesquels elle peint les affres du guerrier amoureux. Siobhan Stagg trouve dans Angelica un emploi exotique eu égard à son répertoire de ses années de troupe berlinoise. Sa technique baroque, si elle est moins affirmée, lui permet de déployer une expressivité à propos. Elle brosse le portrait d’une jeune aristocrate hautaine et sure d’elle qui fend l’amure à quelques occasions avec son amant. Elizabeth DeShong, maintenant connue du public français après ses engagements marquants à Bordeaux et à Aix, s’avère presque sous-employée dans le rôle de Medoro. Son ambitus et son phrasé font merveille dans chaque air ; son timbre mordoré lui confère le bon contrepoint pour briller dans l’unique trio de l’œuvre. En Dorinda, Giulia Semenzato se pare de justes lauriers. A une voix fruitée et agile, elle allie une grande aisance ainsi que des aigus rayonnants et capiteux. Il faudra l’échauffement premier air pour que Riccardo Novaro s’assoie dans le bas de sa tessiture. Il rejoint par la suite la très bonne tenue vocale du plateau.
On reconnaîtra l’excellente facture du spectacle de Jeanne Desoubeaux et de son équipe technique. On s’interrogera cependant sur la pertinence du truchement choisi pour faire vivre un opéra seria en manque d’action. Le concept de la nuit au musée n’a rien de neuf. Y ajouter le regard d’enfants dont l’émerveillement devant l’art finit par donner vie à un fantasme d’aventure en costumes, sous le regard mi réprobateur mi goguenard du gardien de musée (Zoroastre), vient pimenter un peu l’idée initiale. On peine toutefois à voir comment ces jeux peuvent rendre sensibles le conflit amoureux et son pendant guerrier puisque la situation d’énonciation nous dit en permanence que ce n’est que badinage enfantin. Si le spectacle fonctionne au global, il laisse l’impression de remplir beaucoup, plus que trouver un propos ancré dans l’œuvre et ses enjeux.