Ce n’est sans doute pas un hasard si le Théâtre des Champs-Élysées, via Jeanine Roze Production, a choisi de programmer l’oratorio de Haendel, La Resurrezione à quelques jours des fêtes de Pâques mais surtout, il s’agit de commémorer le 250e anniversaire de la disparition du grand compositeur allemand. En effet, une bonne partie de la fin de saison sera consacrée aux œuvres sacrées du caro sassone. Le festival s’ouvre avec La Resurrezione, oratorio composé à Rome en 1708 par un Haendel âgé de vingt-trois ans et dans lequel on décèle déjà la future verve dramatique.
C’est à Emmanuelle Haïm qui dirige depuis le clavecin et à son désormais célèbre Concert d’Astrée que revient l’honneur de faire revivre cette brillante partition. Elle semble très investie tant auprès de son orchestre que des chanteurs. Sa direction témoigne d’un équilibre et d’un raffinement remarquables : l’orchestre est riche de contrastes, comme il est de mise dans le répertoire baroque si dramaturgique, et véritablement dans une logique de dialogue. Cela commence dès l’ouverture que Haendel appelle « sonata » : à la partie rapide toute de jubilation avec les hautbois et les trompettes succède la partie lente, lyrique et profondément douloureuse.
De la distribution, on retiendra le Lucifer blasphémateur et presque comique de la basse italienne Lorenzo Regazzo très expressif tant vocalement que scéniquement, la Cléophe de la contralto Sonia Prina au timbre si chaud et enfin l’ange de la jeune soprano Camilla Tilling à la voix légère et agile qui brille littéralement dans l’air « Disseratevi, o porte d’Averno » et plus encore de le da capo orné de façon virtuose. Les rôles de Marie-Madeleine et de Saint-Jean laissent un peu plus sur la réserve : Kate Royal possède un bel aigu mais certains passages graves manquent de timbre. Les vocalises d’un air comme « Ho un non so che nel cor » ne sont pas très convaincantes ; quant au ténor britannique Toby Spence, imberbe le soir de la représentation tel Saint-Jean, il possède un timbre riche et brillant mais accentue certaines notes aiguës de façon trop systématique, empêchant ainsi une certaine intimité de s’installer d’autant qu’il est souvent accompagné d’un orchestre réduit.
Il sera possible de réentendre cette magnifique partition puisque la production sera en tournée à Dijon et Lille, où le concert fera l’objet d’un enregistrement.