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HAENDEL, Rinaldo – Beaune

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Spectacle
29 juillet 2024
Rinaldo triomphe à Beaune

Note ForumOpera.com

5

Infos sur l’œuvre

Rinaldo
Opera seria
en 3 actes

Musique de Georg Friedrich Haendel

Livret d’Aaron Hill et Giacomo Rossi, d’après La Gerusalemme liberata, du Tasse

Création le 24 février 1711, à Londres, Queen’s Theater, Haymarket

 

 

 

Détails

Rinaldo
Carlo Vistoli

Armida
Chiara Skerath

Almirena
Gwendoline Blondeel

Goffredo
Lorrie Garcia

Eustazio
Anthea Pichanick

Argante
Victor Sicard

Ensemble « Les Accents »

Direction musicale
Thibault Noally

 

Beaune, Festival international d’opéra baroque et romantique, Basilique, 27 juillet 2024, 21h

Longtemps après que Pier Luigi Pizzi et Marilyn Horne aient révélé Rinaldo, Beaune retrouve notre héros, pour la troisième fois, vingt-deux ans, puis quinze ans après. Ce soir c’est Thibault Noally qui conduit son ensemble, Les Accents. La production, créée au Théâtre des Champs Elysées en février dernier (2) connaît une distribution presqu’inchangée, puisque le rôle de Goffredo change de titulaire (à Lucile Richardot est substituée Lorrie Garcia), et  Chiara Skerath s’empare du rôle d’Armida, cédant Almirena à Gwendoline Blondeel. La plupart des solistes sont familiers du Festival.

L’histoire est connue, où les Croisés assiègent Jérusalem.  Goffredo (Godefroid de Bouillon), frère d’Eustazio et père d’Almirante, confie à Rinaldo le soin de vaincre les Infidèles (Argante, roi de Jérusalem, et son amante, la magicienne Armide). Celle-ci enlève Almirante, promise à Rinaldo, et séduit ce dernier par ses enchantements…

Cette version de concert, que le mauvais temps a contraint au repli à la Basilique, confine l’orchestre et les solistes dans son chœur. Il leur est ainsi malaisé de jouer pleinement leur personnage comme ils l’auraient certainement fait dans la cour des Hospices. Certes, la magie, les effets spectaculaires réservés aux machines comme aux êtres animés (3) relèvent ce soir de l’imagination, mais les prouesse vocales, orchestrales n’en sont que plus évidentes. Les nombreux airs (4) éblouissent et nous touchent, de la vaillance à la plainte extatique. Tous les da capo sont ornés, parfois brillamment, toujours avec intelligence. Les récitatifs sont animés, d’une souplesse et d’un naturel confondants. Seule réserve, mineure, le recours trop fréquent (5) au positif, très sonore, au détriment du plus discret clavecin, d’autant que le continuo est fourni. Seulement quatre duos, tous aussi remarquables, émouvants par leur sens dramatique et leur perfection vocale, pour quantité d’airs : le duetto de Rinaldo avec Almirena (« Scherzano sul tuo volto »), puis avec Armide (« Fermati / No, crudel ! », ajouté en 1731), enfin celui d’Argante avec la magicienne « Al trionfo del nostro furore », sans oublier celui des sirènes, « Il vostro maggio », délicieux, respirant la séduction, d’une égale réussite.

Carlo Vistoli, plus haendelien que jamais, possède la pleine intelligence du rôle-titre – martial, viril et tendre – et les moyens superlatifs pour en traduire les sentiments : une technique prodigieuse (son aisance dans les vocalises et les traits les plus pyrotechniques), l’ambitus le plus large, une projection et puissance rares chez les contre-ténors, et, surtout, une qualité d’élocution et de réels talents de comédien. Si son air d’entrée, élégiaque, n’est pas le plus approprié aux démonstrations, comme le « Cara sposa, amante cara », ému, qui traduit bien l’accablement du héros à l’enlèvement d’Almirena, dont il a été le témoin impuissant, le furieux « Venti turbini » est fabuleux de virtuosité, où le violon solo de Thibault Noally nous éblouit autant que la voix. L’enchantement se poursuivra après les dernières notes de « Or la tromba in suon festante », dont l’éclat et l’ornementation virtuose fascinent. La santé vocale de Chiara Skerath est confirmée pour Armida, le rôle habité de la plus redoutables des magiciennes. La voix, souple, agile, est agressive, fière comme caressante, tendre, émouvante, d’une italianità parfaite. Elle éblouit par ses airs violents (son arrivée, avec « Furie terribili ! ») comme par ses élans amoureux (la déchirante déploration « Ah ! crudel ! il pianto mio ») justes, sincères jusqu’au pathétique. Sa liberté vocale, dès son air d’entrée, impose un personnage flamboyant, de démesure. Chacun des ses airs est un régal. Retenons particulièrement l’air de vengeance du II , « Vo’ far guerra, e vincer voglio », avec ses improvisations au clavecin, ménagées par Haendel, aux vocalises exemplaires. Gwendoline Blondeel, dont la révélation au concours de Froville a marqué le début de la carrière, est Almirena. La séduction le dispute à l’autorité, le timbre, fruité, la ligne soutenue et finement ciselée, les aigus épanouis et lumineux emportent l’adhésion. De ses nombreux airs, retenons déjà « Augeletti, che cantate, zefiretti » avec la petite flûte (ottavino) virtuose, et deux flûtes à bec, d’un raffinement extrême, d’une fraîcheur rare, où notre soliste orne sa ligne à l’égal des trois instruments. Son duetto avec Rinaldo « Scherzano / Ridano » est d’un bonheur communicatif, rayonnant.  Attendue, « Lascia, ch’io pianga », la poignante sarabande au legato exemplaire suspend le temps, fait toujours son effet. Vraisemblable prise de rôle pour Lorrie Garcia, contralto marseillaise dont l’essentiel de la carrière se développe en Italie. Elle campe un Goffredo élégant et viril, à l’indéniable autorité. La voix est charnue, bien timbrée, incisive, autoritaire, aux solides graves et la technique est sans défaut, dès son air d’entrée  (« Sovra balze scosceni e pungenti »). On retiendra son « Mio cor, che mi sai dir ? » enfiévré, ambigu, où la complexité du personnage lui confère une réelle humanité. Les trois airs retenus du frère de Goffredo, Eustazio, sont heureusement confiés à Anthea Pichanick, dont on connaît les mérites. La chaleur, la souplesse et le timbre moelleux lui permettent l’une des plus belles plaintes que nous ayons entendues (« Siam prossimi al porto »). Si, auparavant puis ensuite, chacun de ses airs est remarquable (« Col valor,colla virtù or si vad », « Di Sion nell’ alta sede »), c’est également dans les récitatifs que toutes ses qualités sont flagrantes. Avec le « Sibillar gli angui d’Aletto », Argante nous est présenté par Victor Sicard. Vigoureux, chaleureux pour cet air aux généreuses vocalises, admirables, avec un orchestre survitaminé, le roi de Jérusalem est parfaitement servi, rivalisant avec trompettes et timbales. Le legato superbe du « Vieni, o cara », sensible, douloureux, met tout autant en évidence l’étendue des qualités de notre baryton. En outre, ses talents de comédien, son art du récitatif, lui permettent une caractérisation aboutie de son personnage et le rendent attachant.

Thibault Noally dirige du violon, dont il joue fréquemment, tant dans les tutti que comme soliste, toujours soucieux de la dynamique et de l’articulation de ses musiciens. S’il semblait sur la retenue lors de la première au TCE, ce soir, comme ses chanteurs et son ensemble, il paraît libéré, pleinement épanoui. Sa familiarité de l’ouvrage et l’attention portée au chant permettent l’expression lyrique la plus juste. L’orchestre rend pleinement justice à la partition, dès son ouverture, somptueuse et animée, au son plein et chargé de séduction, la première sinfonia participe vraiment au drame que constitue l’enlèvement d’Almirena. La berceuse des sirènes, étrange avec ses dissonances audacieuses, nous envoûte.  Seul petit bémol, la formidable bataille du III, ici réduite à une simple illustration martiale, spectaculaire, est prise à un train d’enfer, inapproprié aux conditions acoustiques de la basilique. La dynamique, l’articulation, les batteries se signalent par le souci de précision constant. Les solistes des Accents, flûtes, hautbois, basson, clavecin, violon, aux timbres délicieux, rivalisent d’agilité pour dialoguer avec les voix.

Pouvait-on rêver plus belle distribution, engagée, virtuose et harmonieuse, servie par une direction pleinement épanouie ? Après le chœur final, souriant, chaleureux bien que dramatiquement convenu, la nef comme les bas-côtés exultent. L’enthousiasme d’un public ravi fera un long triomphe aux chanteurs comme aux Accents et à son chef.

(1) Le 20 juillet 1996, Christophe Rousset (avec Sarah Mingardo, Sandrine Piau et autres), puis le 18 juillet 2009 (où Ottavio Dantone réunissait Delphine Galou, Lennecke Ruiten, Riccardo Novaro etc.). 
(2) Guillaume Saintagne, pour Forumopéra, en avait rendu compte (Plus d’intelligence que d’éclat). 
(3) A la création, en 1711, ce sont des oiseaux vivants qui peuplaient le jardin d’Armide. 
(4) 29 dans la partition de 1711 ; 23 sont conservés. Il est vrai que l’ouvrage est ample... 
(5) Y compris dans les arias d’où Haendel l’a explicitement exclu, où seules les cordes sont convoquées.

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