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HANDEL, Il Trionfo del Tempo e del Disinganno – Göttingen

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Spectacle
13 mai 2024
Quand la défaite du Plaisir fait celui de l’auditeur

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Oratorio en deux parties (Rome, 1707)

Livret de Benedetto Pamphili

Détails

Mise en scène
Ilka Seifert
Décor, vidéo
Folkert Uhde
Lumières
Jörg Bittner

Bellezza
Anna Dennis
Piacere
Emöke Baráth
Disinganno
Xavier Sabata
Tempo
Emanuel Tomljenovic

Orchestre du Festival de Göttingen
Direction musicale
George Petrou

Göttingen, Stadthalle, jeudi 9 mai 2024  à 19 heures

Un succès ? Non, c’est un triomphe que le public a fait à l’équipe artistique au terme de cette version « dramatisée » de l’oratorio Il Trionfo del Tempo et del Disinganno donnée à l’auditorium de Göttingen. Plus que de mise en scène il s’agit d’une mise en espace signée Ilka Seifert. En fond de scène, à jardin, un praticable situé sous un écran de vastes dimensions permet aux chanteurs de prendre place derrière les musiciens. Ils ne seront pas contraints d’y rester, et pourront se déplacer vers l’autre praticable situé à cour sous un écran plus petit mais axé vers l’avant-scène, qui sera le support essentiel des échanges. Leurs allées et venues, suscitées par le discours qu’ils incarnent, prendront souvent l’allure d’une chorégraphie au ralenti. Si c’est le résultat d’un travail très attentif au texte pour faire vivre la confrontation des allégories qui sert de trame à l’oratorio, le quatuor des interprètes a magistralement joué le jeu.

Sur les écrans des images sont projetées. Les prises vidéo en direct sont mélangées à des enregistrements où les images de la Beauté – Bellezza – explicitent ses états d’âme. C’est en effet sur elle que s’exerce la fonction discursive du Temps et de la Désillusion, puisqu’il s’agit de la sauver en l’amenant à comprendre la fragilité des plaisirs éphémères liés à l’apparence et à choisir la voie austère qui mène au plaisir véritable, celui que le Temps ne peut altérer. Les illustrations sont claires, les vagues se succèdent, les heures s’écoulent, les fleurs se fanent, les bougies se consument, mais … Mais nous n’avons pas adhéré à la dramatisation car dès le début, on nous montre une Beauté travaillée par le doute ; cela renforce son évolution ultérieure, mais cela ne dévalorise-t-il pas l’entreprise conjointe du temps et de la Désillusion? On nous montre aussi un Plaisir sur ses gardes, au visage fermé, peu avenant, quand il nous semble – à moins d’en faire un Plaisir baudelairien, un « bourreau sans merci » – qu’il devrait rester, même à l’instant de sa défaite, aussi souriant que possible.

Si pourtant tout cela fonctionne, c’est sans doute grâce à la direction de George Petrou, qui témoigne une fois encore de la souplesse avec laquelle ce chef sait s’adapter aux situations. Haendélien confirmé il maîtrise assez la partition pour la dramatiser savamment afin d’épouser le parti-pris de la représentation, et réussit cet exploit d’équilibriste sans qu’aucune outrance ne dénature l’orfèvrerie de la composition. L’orchestre, groupement éphémère d’une trentaine de musiciens spécialisés dans la musique baroque qui se retrouvent pour ce festival Haendel, lui répond amoureusement, et cet engagement est heureusement mis sous les yeux du public par des images projetées, où l’on peut voir la guitare baroque alterner avec le théorbe, et la Beauté approcher fascinée de l’organiste dont la virtuosité est conforme aux attentes dans ce portrait de Haendel par lui-même. On aurait aimé savoir le nom de la violoniste qui viendra à l’épilogue sur le praticable à l’avant-scène susurrer le renoncement dans la caresse toujours plus subtile de ses cordes jusqu’à ce que le son s’éteigne, en même temps que la lumière.

Si, pour l’orchestre, le bonheur est sans mélange, c’est un peu différent pour les chanteurs, des êtres humains avant tout. Manifestement handicapé par des problèmes de respiration même s’il renifle très discrètement Xavier Sabata n’est pas au mieux de sa forme et cela retentit sur le souffle, même s’il résout au mieux dans ces conditions les vocalises de son dernier air, et sur l’émission, car il disparaît dans la quatuor de la deuxième partie. Le cas de Anna Dennis est différent ; manifestement rien ne handicape la force de la projection, qui donne aux aigus un éclat strident  peu agréable, en tout cas dans la première partie, quand la Beauté sûre d’elle-même repousse avec arrogance les mises en garde du Temps et de la Désillusion. Ceci pourrait expliquer cela ? Reste l’impression d’un hiatus, puisque les images projetées et le jeu de l’interprète montrent le doute en œuvre dès le début. En tout cas après l’entracte, quand le cheminement vers la conversion a commencé, ces éclats disparaissent et les intentions interprétatives s’accordent avec les moyens, jusqu’à culminer dans l’air final.

Peut-être cette interprète pâtit-elle un peu du voisinage d’une Emöke Baràth en pleine forme, qui enchaîne avec une virtuosité sans faille les vocalises les plus rapides et exerce un contrôle souverain sur son émission, la modulant à souhait pour sublimer le texte. Regrettons – mais peut-on le lui reprocher ? – le parti pris qui rend presque hargneux le Plaisir, que nous préférons toujours aimable même quand il perd. Elle signe avec « Lascia la spina » une interprétation qui soulève l’enthousiasme malgré une lenteur peu propice à l’incitation avant le feu d’artifice de son dernier air. Quant à l’interprète du Temps, nous le découvrons et gageons que sauf accident on entendra parler de lui : le ténor Emanuel Tomljenovic a, malgré sa jeunesse, une voix  pleine, homogène et souple, des aigus bien timbrés et des graves sonores, et montre une belle musicalité au service d’un engagement dramatique prenant ; son air de bravoure au deuxième acte a été justement acclamé.

Ainsi administrée, la gravité du propos perd de son amertume, puisque la musique de Haendel renouvelle le plaisir à chaque instant !

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Ilka Seifert
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Lumières
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Bellezza
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