C’est un conte pour les enfants que la Monnaie a choisi de mettre ce mois-ci au programme en guise de spectacle de fin d’année. Et comme la salle est toujours en réfection (il semble d’ailleurs que les travaux accusent un sérieux retard), c’est extra muros, sans fosse et sans réelle mise en scène, mais avec la projection d’ombres chinoises réalisées en direct, que le spectacle est présenté, dans la grande salle du Palais des Beaux Arts à l’acoustique particulièrement flatteuses.
L’orchestre ainsi mis en avant scintille, s’en donne à cœur joie, porté par une partition particulièrement brillante que le chef Lothar Koenigs domine magistralement. La musique d’Humperdinck, ainsi magnifiée, évoque irrésistiblement Richard Strauss, d’une séduction très immédiate et très accessible.
La distribution, sans être vraiment idéale, est bien équilibrée, mais les chanteurs, pourtant en permanence à l’avant scène, souffrent globalement de la confrontation avec un orchestre omniprésent. Des deux rôles titres, c’est semble-t-il Gaëlle Arquez (Hänsel) qui s’en sort le mieux, alors que Talia Or (Gretel) doit forcer un peu lla voix pour passer au dessus de la masse instrumentale. Mais les timbres sont bien assortis ; les chanteuses se tirent honorablement d’une partition bien exigeante. Les parents sont campés avec maestria par Dietrich Henschel, particulièrement en forme et Natascha Petrensky. On remarquera la prestation délicieusement poétique de Ilse Ferens dans le rôle du marchand de sable, et l’irrésistible intervention de Georg Nigl travesti en sorcière, apportant à son personnage une truculence et une expressivité remarquablement efficaces. L’intervention du chœur d’enfants, tout à la fin de l’œuvre, constitue un des moments émouvants de la soirée.
C’est sans doute la partie visuelle du spectacle qui nous aura le moins convaincu. Projetées sur un grand écran de fond de scène, les images sans couleur réalisées par la troupe du Manual Cinema constituent certes une narration fidèle du livret, dans une esthétique qui fait songer aux amoureux de Peynet, toute empreinte de candeur et de naïveté, mais dont la poésie s’épuise rapidement faute d’imagination et de renouvellement. C’est d’autant plus criant que la partition, généreuse de bout en bout, regorge quant à elle de détails particulièrement soignés, et se nourrit sans cesse d’une inspiration débordante. On songe évidemment à ce que réalise William Kentridge avec le même type de technique, l’humour, la créativité et le génie en plus !