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Le samedi 1er février, le public du Théâtre des Champs-Elysées se pressait sous les marbres de l’avenue Montaigne pour un bain de jouvence haydénien. On pourrait noter qu’il est piquant d’assister à une représentation de La Création dans un lieu qui la pratique aussi peu, mais il n’est pas question de mesquinerie ce soir, puisque c’est Philippe Herreweghe en personne qui officie à la grand-messe créationniste.
En pur produit des Lumières, le grand oratorio de Papa Haydn éblouit encore aujourd’hui par son optimisme flamboyant. Conforté par le succès de ses symphonies londoniennes, le compositeur s’y donne à cœur joie dans une partition qui fait étal de toutes ses connaissances en matière d’orchestration et de contrepoint.
Il faut pourtant un chef de la trempe de Philippe Herreweghe pour insuffler une dose constante de bonne humeur aux forces musicales présentes ce soir. Soucieux de proposer une lecture équilibrée de l’œuvre, il ne cède en rien au surlignage grossier de chaque originalité de langage ou d’instrumentation. On est pourtant un peu déçu par l’Introduction, où l’Orchestre des Champs-Elysées ne répond que de façon incertaine aux appels du chef. Les forces du Chaos se cherchent pendant la durée du prélude, et ce n’est qu’au bout de quelques numéros que la formation et la partition retrouvent le dynamisme qu’on leur connaît. La tension et l’engagement vont crescendo pendant une bonne partie de la représentation, mais passé la conclusion de la deuxième partie, c’est comme si le soufflé retombait lentement. Musicalement moins diverse, la troisième partie ne nous a jamais parue aussi superflue, et même le chœur final peine à effacer ce sentiment de trop peu.
Nous nous trouvons pris d’un sentiment similaire pour le plateau. Celui-ci est dominé sans conteste par le baryton Florian Boesch, qui allie engagement vocal et scénique. Son timbre corsé sait tout à fait s’adoucir à l’extrême dès que le texte le requiert. Trouvant dans cette oratorio humaniste autant de vie que dans un air d’opéra, il remporte sans conteste la sympathie du public pour sa performance investie.
Il n’y a pas grand chose à reprocher à la voix de Mari Eriksmoen. La souplesse de son instrument, et son timbre brillant sans être métallique sont les qualités que l’on recherche dans ce répertoire. Pourtant, à force de louvoyer, la ligne de chant, et donc les intentions musicales de la chanteuse finissent par se perdre.
Le très jeune Patrick Grahl multiplie les promesses : on sent un musicien sensible et une voix qui promet un excellent Evangéliste, mais ses partis-pris musicaux ne semblent encore assumés qu’à moitié. Gageons qu’ils sauront se développer dans les quelques années à venir.
L’immense satisfaction de la soirée nous vient du Collegium Vocale Gent. On reconnait entre mille le son droit et pur qui a fait la notoriété de l’ensemble belge, et il sied admirablement à l’ouvrage. Les (doubles) fugues sont toujours d’une clarté irréprochable, et les chœurs jubilatoires (notamment et surtout « Vollendet ist das große Werk ») rendent le plus bel hommage possible à cette partition radieuse.