Concert de charme en l’Eglise des Carmes, avec ce programme HUMAN LOVE, LOVE DIVINE conçu par le ténor Juan Sancho. De son propos, on ne pourra dire que ce qu’on en aura deviné, puisque son texte de présentation, probablement rédigé en espagnol par ce natif de Séville, n’est proposé que dans une traduction en catalan. Partant de l’idée que l’amour est le moteur de toute la production lyrique, il constate que souvent l’expression de l’amour humain et celle de l’amour divin se confondent. La réunion de pièces où le ténor peut être le partenaire de la soprano, rares car ces duos sont l’apanage des rôles pour castrats, permet de percevoir comment le genre humain peut atteindre le divin. Et Haendel, révérence gardée à Monteverdi, est sans doute dans le monde lyrique le génie le plus humain et le plus divin.
Alternance, comme l’indique le programme, d’airs solistes et de duos avec des pauses orchestrales permettant aux musiciens de la Capella Cracoviensis de démontrer leur virtuosité dans l’exécution de pièces orchestrales qui mobilisent pour les cordes rapidité vertigineuse, souplesse inlassable, force, retenue, mordant, moelleux, et une infaillible précision. Certaines pièces vocales donnent l’occasion au hautbois, au basson de démontrer leur maîtrise et leur musicalité, ainsi qu’à la trompette quand elle est en miroir de la voix.
Vue d’ensemble : Nuria real, Juan sancho et l’ensemble Capella Cracoviensis © dr
Musicalité est d’ailleurs le mot qui s’impose à nous s’il fallait qualifier ce concert d’un seul mot. Celle de Nuria Real est connue par ses disques, et on la découvre en direct avec bonheur. Non seulement la voix semble couler de source, avec une fraîcheur et un naturel proprement enchanteurs, même quand elle parcourt les voies les plus escarpées, mais on ne perçoit jamais la plus petite outrance du son ou du sentiment. Cela semble si facile, si simple, qu’on en oublierait presque que ces délices, cette voix de soie flottante, si douce et si brillante, sont le résultat d’un art patient et inlassable.
Juan Sancho est-il anxieux ? Il ne donne pas l’impression d’être à l’aise. Sur son visage glabre, qui pourrait être signé Ribera ou Le Greco, on croit lire une certaine tension, et on croit la percevoir dans un chant que l’on ressent, au début en tout cas, légèrement contraint. Est-ce dû à l’émission, pour nous étrange, car le ténor ouvre fort peu la bouche ? Veut-il ainsi donner l’impression de naturel ? Il est pourtant évident que ce qu’il donne à entendre, dans l’exécution rapide des agilités et dans la maîtrise du souffle, est le résultat d’une éducation. Non que le chant soit laborieux ! Mais la projection est par moments confidentielle et on se demande si c’est ce type d’émission qui l’altère. Quoi qu’il en soit la musicalité de Juan Sancho n’est pas discutable et son engagement est tel qu’il l’entraîne parfois à ébaucher des gestes qui trahissent au moins le désir d’embrasser la direction du morceau.
Très attentif, le public s’est montré si enthousiaste qu’un bis a été accordé, le duo de L’Allegro, il Penseroso e il Moderato, avec son introduction au hautbois et au basson et sa captivante ritournelle, à nouveau aussi délectable mais rendu peut-être avec une intensité supérieure. A moins que cette impression n’ait été suscitée par notre désir que ce plaisir durât encore ? Quand le charme est à l’oeuvre…