Dimanche 2 décembre 2018, en la cathédrale Saint-Louis-des-Invalides à Paris, il n’y a pas une place libre. En ce jour anniversaire de la plus fameuse victoire de Napoléon à Austerlitz, on va célébrer le centenaire de la renaissance de l’État polonais – redevenu souverain le 11 novembre 1918 après 123 ans d’annexion. Ce programme musical commémorant à la fois le retour à une Pologne libre et démocratique et la fin de la Première-Guerre-mondiale, veut honorer la mémoire de toutes les victimes du conflit.
Après l’introduction de Piotr Jegliński, rappelant les liens historiques d’amitié entre la France et la Pologne, le public écoute debout Warszawianka (La Varsovienne) – hymne patriotique composé par Karol Kurpiński (1785- 1857). Puis, vient un court moment de grâce chopinien où le célèbre pianiste Janusz Olejniczak interprète savamment, avec toute la délicatesse requise, deux courtes « Fantaisies sur des sujets polonais ». Ensuite, sous la direction précise, gracieuse et dynamisante de Monika Wolińska, l’orchestre Pasdeloup nous fait découvrir avec un grand souci des nuances, une pièce de Karol Kurpiński inconnue jusqu’à présent. Il s’agit d’une somptueuse « messe à quatre voix, pour chœur, orchestre, et orgue » dont le manuscrit original a été trouvé récemment par Piotr Jegliński à New York, lors d’une vente aux enchères chez Christie’s. S’inspirant du style liturgique de Kurpiński et de l’esprit de son époque, c’est le compositeur belge Jacques-Alphonse De Zeegant qui s’est attelé à son orchestration. Servie par l’acoustique de la cathédrale Saint-Louis, la réussite est indéniable. Nous avons admiré la prestation du puissant Ensemble vocal de l’abbaye de la Cambre et l’engagement des quatre voix solistes. Particulièrement la clarté de l’émission et la pureté du timbre de la soprano Ana-Camelia Stefanescu, déjà remarquée à Strasbourg dans La Juive. Plus encore – comme suspendue sous la voûte durant l’Agnus Dei – la voix si prenante de la jeune basse belge, Jean Delobel que l’on aimerait entendre un jour prochain dans un rôle d’opéra.
En deuxième partie, retour au patriotisme avec de courtes œuvres de Maksymiuk et de Paderewski. Pour conclure : Le Chemin des Dames, Ode à la guerre de 1914, impressionnante symphonie dramatique en sept mouvements de Jacques-Alphonse de Zeegant, sur un poème de Marguerite de Werszowec-Rey. Créée en la Cathédrale de Laon en 2014, elle a été exécutée en 2015 à Bruxelles et à l’Opéra National de Varsovie avant d’être donnée à Milan avec Daniela Barcelona et les chœurs Guiseppe Verdi. À Paris, c’est la mezzo polonaise Kinga Borowska qui dialogue avec trois masses chorales entourant l’orchestre : au fond, un chœur mixte ; à gauche, un chœur de femmes ; à droite, un chœur d’hommes. La voix âpre et métallique de cette soliste hiératique contraste avec les accents déchirants des chœurs où une longue supplique en français, émaillée de kyrie, de warum, puis de prénoms masculins criés en plusieurs langues, se termine par un appel à la paix des peuples au son des trompettes.