L’opéra de Valence reprend la production des vêpres siciliennes déjà présentée à Turin et a Bilbao. Plusieurs transpositions sont venues s’ajouter à celle effectuée par le metteur en scène Davide Livermore (par ailleurs directeur du Palau de les Arts) et décrite par le menu par Jean-Michel Pennetier dans son compte-rendu des représentations basques. Plus de vêpres mais I vespri, simple changement d’idiome quand l’œuvre, elle, ne bouge pas ; de quoi heurter le chauvinisme d’un Français. Surtout, fi du ballet dit des Quatre Saisons au troisième acte ce qui nous prive de la musique de Verdi mais nous épargne des élucubrations audiovisuelles dont la description par notre confrère ne faisait guère envie. A quelque chose malheur est bon, et la proposition du metteur en scène gagne à être dépouillée du discours simpliste et populiste de bon ton qui la parasitait. La transposition dans une Sicile gouvernée par la mafia devient parfaitement fluide et surdétermine les rapports entre les personnages en des jeux politiques et lutte d’influence. La mise en scène permanente du pouvoir au travers de la télé-réalité et de l’infotainment trouve toute sa place, notamment au cinquième acte où les préparatifs du mariage et les disputes en coulisses mettent en lumière l’impuissance de l’image face au carnage qui se prépare. Une fureur populaire qui n’épargnera pas Procida : les révolutions se repaissent aussi de leurs Robespierre. Copieusement huée à Bilbao, l’équipe technique est chaleureusement accueillie par le public du Palau de les Arts.
© E. Moreno-Esquiquel
La translation géographique a quelque peu modifié la distribution. Elle est dominée par l’Arrigo de Gregory Kunde dont la fraîcheur vocale, le style et les nuances brillent sans faiblesse aucune tout du long d’un rôle écrasant. Il est secondé par le Montfort tout aussi musical de Juan Jesús Rodríguez qui réunit dans son portrait les deux pôles du baryton verdien : l’autoritaire sanguinaire et le père aimant. Alexánder Vinogradov prête toute la profondeur de sa basse russe à Procida, souvent au dépend des couleurs et des nuances mais toujours avec un bel engagement. Empêchée par un heureux événement très prochain, Anna Pirozzi a cedé la place à Maribel Ortega. Nonobstant un aigu strident et pas toujours juste, l’espagnole caractérise une Hélène plus femme aimante que conspiratrice autour d’un timbre beau et charnu. Dommage que les vocalises du boléro la bousculent, émaillant au final une performance honnête. Si les seconds rôles, tenus par de jeunes chanteurs du Centre de Perfectionnement Placido Domingo, s’intègrent bien dans cette qualité globale il n’en est pas de meme du chœur souvent en décalage et peu incisif.
Au pupitre Roberto Abbado ne cherche guère les subtilités ou la richesse de la partition verdienne. Sa direction se veut dynamique mais elle omet trop souvent le plateau au point de délaisser Arrigo et Helene pendant le duo aux ardus changements de rythme du quatrième acte. Dans l’acoustique remarquable du Palau de les Arts, on regrette des percutions trop présentes et des violons qu’il aurait fallu repartir différemment en fosse pour équilibrer les masses.