Gaetano DONIZETTI (1797-1848)
L’elisir d’amore
Mélodrame en deux actes
Livret de Felice Romani
Mise en scène: Aron Stiehl
Scénographie et costumes: Jürgen Kirner
Chorégraphe: Pascale Chevroton
Adina: Hélène Le Corre
Nemorino: Andries Cloete
Belcore: Robin Adams
Dulcamara: Richard Ackermann
Gianetta: Qin Du
Choeur de l’Opéra de Berne
Alexander Martin
Orchestre Symphonique de Berne
Dorian Keilhack
Berne, Stadttheater, le 26 mai 2009
Irrésistiblement fun
L’opéra de Berne proposait cette saison une nouvelle production du chef-d’oeuvre comique de Donizetti, l’Elisir d’Amore. Bien qu’indiscutablement au répertoire, cet opéra reste d’une popularité quelque peu en demi-teinte, l’inévitable «Una furtiva lagrima» mis à part. Cet état de fait est à la fois injuste et dommage, comme nous l’aura encore une fois prouvé une production qui aura su à la fois faire pleurer de rire et électriser la salle.
Si la qualité des différents spectacles peut varier assez nettement au Stadttheater, force est de constater, pour notre plus grand plaisir, que l’opéra comique lui va terriblement bien : on avait pu le constater lors du Barbier de Séville de l’année dernière, et cet Elixir le confirme. La mise en scène d’Aron Stiehl sait, qualité rare, ne pas se prendre le chou tout en restant globalement de bonne qualité. Ainsi, des gags franchement excellents parsèment la pièce, en accord parfait avec cette musique espiègle, solaire et survoltée. Peu, voire pas, de recherche sur le sens – l’action est simplement transposée dans une station-service des années 50 – mais une vraie maîtrise du comique. On ne peut qu’esquisser ici l’atmosphère générale, tant les idées foisonnent : il fallait voir Belcore arriver en hélicoptère, intimant l’ordre au chef d’orchestre de ne commencer «Come Paride Vezzoso» qu’à son signal, ou Dulcamara, annoncé par un immense panneau rouge clignotant d’un kitsch absolu, nager dans la piscine avec masque et tuba, à côté d’Adina. Pas un instant n’est laissé sans vie, et on s’offre même le luxe d’être, bien que kitsch, visuellement séduisant (la nuit étoilée du deuxième acte et ses pin-up sous des parasols rayés!). On croirait voir une troupe d’opéra à l’oeuvre, tant les interactions entre les personnages sont naturelles et fluides.
Certes, vocalement, les chanteurs assurent leurs parties sans impressionner. Adina – Hélène Le Corre – tient un peu de la machine à notes, et on n’y trouvera pas beaucoup de nuances ou de phrasé. Le Nemorino de Andries Cloete est sincère, touchant, mais semble quelque peu limité techniquement et paraît quelquefois près de craquer. Ce sont encore les deux barytons qui sont les plus convaincants, avec le Belcore viril de Robin Adams et le Dulcamara de bonne qualité de Richard Ackermann. En somme, si personne n’impressionne vraiment, tout cela reste d’un bon niveau vocal, largement suffisante en tout cas pour faire passer une musique d’une énergie extraordinaire, faite d’effets tous plus jouissifs les uns que les autres, et soutenue par l’excellente direction de Dorian Keilhack qui, malgré des coupures à foison, nous convainc sans peine.
On ne se prend pas la tête à l’opéra de Berne, on mise sur du comique digne de «Y’a-t-il un pilote dans l’avion». On aime ou on n’aime pas, c’est selon ; le public, lui, en est ressorti requinqué par la musique, et illuminé d’avoir ri durant trois bonnes heures. Berne s’est trouvée là un créneau – une «touch» – qui mérite d’être exploité : on saura qu’on passe d’excellentes soirées dans l’opéra de la capitale helvétique.
Christophe Schuwey
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