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Jakub Józef Orliu0144ski, de Purcell à Karu0142owicz — Verbier

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Spectacle
24 juillet 2022
Body and Soul

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Détails

Johann Joseph Fux (1660 ?-1741)
Non t’amo per il ciel

Henry Purcell (1659-1695)
Music for a while (ext. de Oedipus)
Fairest Isle (ext. de Twelve Songs)
The Cold Song (ext. de King Arthur)
Strike the viols (ext. de Come, Ye sons or Art away)

Henryk Czyż (1923-2003)
Pożegnania:
1. Kochałem Panią
2. Na wzgórzach Gruzji
3. Ostatni raz

Henry Purcell (1659-1695)
Your awful voice I hear (ext. de The Tempest)
If music be the food of love

Mieczysław Karłowicz (1876-1909)
Extraits des Chansons, Op. 3
n° 7 : Nie płacz nade mną
n° 2 : Z Erotyków
n° 1 : Mów do mnie jeszcze
n° 5 : Śpi w blaskach nocy morska toń
n° 6 : Przed nocą wieczną
n° 4 : Na spokojnym, ciemnym morzu
n° 8 : W wieczorną ciszę
n°10 : Zaczarowana królewna

Stanisław Moniuszko (1819-1872)
Śpiewnik domowy, Zeszyt VII: n° 13, Łza
Śpiewnik domowy, Zeszyt III: n° 7, Prząśniczka

Georg Friedrich Haendel (1685-1759)
Amen, Alleluja

Jakub Józef Orliński, contre-ténor

Michal Biel, piano

Festival de Verbier (Valais-Suisse), Eglise

21 juillet 2022, 11h

Bien sûr qu’il est délicieux. Il lance des sourires ravageurs et des œillades caressantes. Et cela suscite beaucoup d’émotion dans l’assistance, côté femmes et coté hommes aussi… Il a beau avoir mis un costume grisâtre de clerc de notaire, il dégage un troublant érotisme, physique autant que vocal. Quand il déboutonne sa veste, certains souffles se suspendent… Et quand, après son air d’entrée, il lance un « Hi ! Verbier » espiègle, l’église frémit (car ce cérémonial se déroule à l’Eglise de Verbier, un matin déjà torride).

Moiteur et vocalises

L’autre érotisme, celui de la voix, est tout aussi évident et la suite de cet article sera moins frivole, comme il convient à un site aussi digne que Forumopera. Encore que l’érotisme dégagé par les voix et certains chanteurs et certaines chanteuses fait partie depuis l’origine des plaisirs fondamentaux du lyrique.


Jakub Józef Orliński © Warner – Honorata Karapuda

Ce sera un succès retentissant que ce récital de Jakub Józef Orliński à Verbier, une démonstration vocale propre  à convaincre certains récalcitrants (il y en a, ceux qui trouvent suspect d’avoir du succès). Et les amateurs de chant pourront débattre à perte de vue (ou d’audition) de l’évolution de cette voix très caractérisée, qui s’est élargie considérablement, qui a gagné en éclat, en richesse, en longueur, en harmoniques, et de cette musicalité qui a gagné en intensité, en sobriété, en gravité.

Son air d’entrée « Non t’amo per il ciel » de Johann Joseph Fux (extrait de Il fonte della salute, aperto dalla grazia nel calvario ) est une belle démonstration, très différente de l’enregistrement qu’il en a donné dans son CD Anima sacra. C’est une romance amoureuse sur un rythme de marche lente, qu’il commence à mi-voix et dans la plus grande suavité, dans un pur style cantabile, mais dont il reprendra la première strophe en lui prêtant une puissance et une projection étonnantes.

Les notes basses d’une voix haute

De cet art de varier les couleurs, de vibrer telle note et d’autres pas, de jouer constamment sur la dynamique, on aura la démonstration dans quelques pièces emblématiques du répertoire des contre-ténors. En écoutant son « Music for a while », on aura une pensée pour le cher Alfred Deller, si angélique et éthéré. Ici le regard du chanteur peut un instant se faire presque diabolique et on s’amuse de le voir jouer sur le mot « drop » repris maintes fois. On remarque sa puissance de feu, l’étoffe des harmoniques quand il descend vers les notes les plus basses de sa voix haute, sa manière de timbrer, la projection souveraine. Et bien sûr des arabesques et des vocalises insolentes parsemées ici ou là.
On aimera le petit quelque chose d’impertinent qu’il glisse dans « Fairest Isle » et ses ornements élégants et charmeurs, en remarquant au passage une richesse du timbre que les micros ne parviennent pas à capter – et c’est d’ailleurs très bien ainsi.

Avant « Strike the viol », aux trilles, volatine et autres gruppetti impeccables (et une note tenue interminablement pour le plaisir du brio), on aura entendu un exceptionnel « Cold song » (extrait de King Arthur), dont le savant crescendo montera jusqu’à une tension glaçante (forcément glaçante).
Plus tard dans le récital on admirera les guirlandes de trilles, les coups de glottes, les notes piquées de « Your awful voice I hear » ou dans une lecture très personnelle, presque pré-romantique, de « If music be the food of love », l’expressivité des ornements, l’animation du discours et la palette de couleurs.


Jakub Józef Orliński © Warner Classics

Toutes ces démonstrations de maîtrise sont en somme le minimum syndical du genre (ici plutôt un maximum). La partie plus surprenante du récital viendra ensuite, dont le dernier CD de Jakub Józef Orliński, sous-titré Farewells, donne une image, mais seulement une image.

Âme slave

Après avoir annoncé que c’était une « world premiere » (soupir d’aise dans la salle) et que c’était la première fois qu’un contre-ténor se lançait dans le « polish repertoire » qui allait venir, Jakub Józef Orliński en somme changea de voix pour interpréter d’abord « Pożegnania », trois pièces très mélancoliques d’Henryk Czyż sur des poèmes de Pouchkine. Le titre signifie « Adieux ».

Le timbre s’étoffe soudain, l’alchimie vocale se fait encore plus mystérieuse, les notes les plus graves semblent émises en voix mixte, en tout cas s’entraperçoit non seulement tout un monde d’harmoniques nouvelles, mais un autre art du chant. Et un autre chanteur. Qui, sans doute parce qu’il chante « dans son arbre généalogique » (pardon de ce fatal cliché) donne à ses mélodies leur juste poids d’émotion.

La voix se fait parfois blafarde, parfois prend des couleurs douloureuses pour exprimer le żal, cette nostalgie, cette douleur, qui est le pendant polonais de la saudade portugaise… On admire la simplicité de la ligne musicale et la sincérité du sentiment.


Jakub Józef Orliński et Michal Biel © Warner – Honorata Karapuda

Et c’est sans doute le moment de dire à quel point son partenaire musical de longue date Michal Biel est un merveilleux pianiste. S’il fait ruisseler des arpèges virtuoses d’un bout à l’autre du clavier dans la deuxième mélodie, « Na wzgórzach Gruzji – Les collines de Georgie », ce sont surtout sa douceur de toucher, ses demi-teintes, les climats qu’il suggère, sa manière de suspendre le temps dans certains préludes ou postludes, qui sont remarquables.

L’ineffable żal

L’un et l’autre seront à nouveau en accord de sentiments dans quelques-unes des chansons op. 3 de Mieczysław Karłowicz, certaines d’un lyrisme un peu sentimental qui évoque Tchaïkovski comme « Nie płacz nade mną – Ne me pleure pas, ma princesse dorée » ou « Mów do mnie jeszcze – Parle-moi encore, de loin, de loin… » ou « Przed nocą wieczną – Avant la nuit éternelle, que résonne ta voix ».

Mélodies très simples, immédiatement touchantes, longues phrases qui ne reviennent jamais sur elles-mêmes (ainsi « Na spokojnym, ciemnym morzu – Sur la mer calme et sombre » que Jakub Józef Orliński chante avec autant de délicatesse que de pudeur).

Entre deux genres

Beaucoup de ces poèmes évoquent un désir de mort ou de disparition dans le néant. Auquel la musique n’ajoute aucun pathos, sinon une couleur un peu triste, que nous appelons slave.
Il n’y a plus alors dans le chant de Jakub Józef Orliński aucun souci de briller ou d’orner, mais seulement une émotion discrète, beaucoup de sincérité et ce timbre étrange, qui se colore de reflets plus sombres (plus sensibles au concert, nous le suggèrions, que dans le CD paru en mai dernier).

Romantisme encore dans « Lza – Larme » de Stanisław Moniuszko, lyrisme dénudé appuyé sur une maitrise de la respiration, un art de la mi-voix et parfois une montée vers les notes hautes, d’une facilité déconcertante, avec l’impression que ce timbre étrange auquel certes Moniuszko n’aurait pas pensé, ce timbre non-genré, accentue encore l’universalité du message.

Un « Amen Alleluia » d’Haendel, festival de trilles, de vocalises, de roulades, d’acrobaties du zénith au nadir de cette voix, avant de mourir sur un pianississimo, entraînera une déferlante d’applaudissements enamourés auxquels Jakub Józef Orliński répondra par un extrait d’« Anima sacra », et une kyrielle de fanfreluches propres à porter le délire à incandescence…

Malgré cela, c’est peut-être la séquence polonaise qui laissera dans la mémoire le souvenir le plus troublé-troublant.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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n° 6 : Przed nocą wieczną
n° 4 : Na spokojnym, ciemnym morzu
n° 8 : W wieczorną ciszę
n°10 : Zaczarowana królewna

Stanisław Moniuszko (1819-1872)
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