Récital Bejun MEHTA
Henry PURCELL
Strike the Viol
Olinda in the Shades Unseen
Since from my Dear Astreas’ Sight
Evening Hymn
Joseph HAYDN
Sympathy
She Never Told Her Love
Fidelity
Ludwig VAN BEETHOVEN
An die ferne Geliebte
-Auf dem Hügel sitz’ ich spähend
– Wo di Berge so blau
– Leichte Segler in den Höhen
– Diese Wolken in den Höhen
– Es kehret der Maien
– Nimm sie hin denn diese Lieder
Entracte
Ralph VAUGHAN WILLIAMS
Linden Lea
Herbert HOWELLS
The Widow Bird
Sir Lennox BERKELEY
The Horseman
Herbert HOWELLS
The Little Boy Lost
Charles VILLIERS STANFORD
La Belle Dame Sans Merci
Peter WARLOCK
The Lover’s Maze
Ivor GURNEY
Down by the Salley Gardens
Ralph VAUGHAN WILLIAMS
Silent Noon
Peter WARLOCK
Jillian of Berry
Bejun MEHTA, contre-ténor
Julius DRAKE, piano
Bruxelles, Théâtre du Parc, 14 décembre 2009.
Je t’aime moi non plus
« Un voyage musical ayant pour thème l’amante lointaine » annonce le programme. Cette distance, Bejun Mehta l’incarne bien malgré lui. Comme un garçon qui a grandi trop vite, le chanteur ne sait que faire de ses bras et de ses jambes, change sans cesse de position, incapable de trouver une contenance et jetant des regards anxieux vers le balcon. A la recherche de l’inspiration, d’une connivence avec le public ou plus prosaïquement de ses souvenirs ? Sa nervosité l’empêche en tout cas de se concentrer. Les Purcell sont survolés et enchaînés à la hâte, fébriles, ostentatoires. Voix dense, mais irrégulière, discours éclaté : l’échauffement promet d’être laborieux et il le sera. Quelle idée aussi de se lancer dans ces Haydn si ingrats pour la voix quand tout chez lui réclame l’opéra et son exubérance ! Le contre-ténor a beau joindre les mains, la sauce ne prend pas, le chant demeure extérieur et emprunté. Beethoven semble d’abord le trouver dans de meilleures dispositions et nous vaut quelques beaux moments, mais le fil conducteur du cycle lui échappe. La conduite, c’est précisément ce qui lui fera défaut durant la première partie de la soirée. S’il n’est pas donné à tout le monde de créer une atmosphère en quelques notes et de raconter une histoire, David Daniels (Schubert) ou Jochen Kowalski (Beethoven, Schumann) ont prouvé que les contre-ténors avaient aussi quelque chose à dire dans l’univers raffiné du lied. Julius Drake lui montre pourtant la voie et semble vouloir le guider, mais il ne l’entend pas. Bête de scène, Bejun Mehta paraît désemparé en récital et son malaise finit par être contagieux.
Alors que l’incursion d’un contre-ténor chez Haydn et Beethoven peut susciter des réserves, elle ne surprend guère dans l’art song britannique. Tippett et Britten sont loin d’être les seuls à avoir écrit pour ce type de voix : on peut citer, notamment, Richard Rodney Bennett, Gordon Crosse, Robin Holloway, Geoffrey Burgon, Elisabeth Luytens, John Casken, Thomas Adès, John Tavener ou encore Alan Ridout, connu pour ses arrangements de Vaughan Williams, Howells et Warlock, mais qui a également écrit pour Alfred Deller et James Bowman. Certes, les œuvres retenues par Bejun Mehta n’ont pas été expressément écrites pour un contre-ténor, mais celui-ci n’a jamais disparu du paysage musical anglais et s’il a fallu attendre les années 50 pour que l’alto masculin renaisse comme soliste, il chantait encore dans les maîtrises. Ralph Vaughan-Williamsn’a pas écrit de partie solo pour contre-ténor, mais sa veuve a probablement raison quand elle confie à James Bowman que s’il avait connu la génération actuelle de falsettistes, elle l’aurait inspiré. C’est peut-être un sentiment de légitimité qui rassérène Bejun Mehta, décontracté et même radieux en seconde partie. La voix est en place, le chant fluide, l’artiste habité. La mélodie coule de source et le charme bucolique de «Linden Lea » nous ragaillardit. Le reste est à l’avenant et donne enfin raison au discours promotionnel de la Monnaie : « La voix richement colorée du contre-ténor Bejun Mehta convient à merveille pour ce programme où se mêlent joie et mélancolie ». Dans « Silent noon », il renoue avec ce formidable instinct musical qui, chez un gamin de treize ans, fascinait tant Leonard Bernstein. De cette voix soprano miraculeuse, il retrouve aussi, par instants, la douceur des aigus et certaines inflexions caressantes.
Premier bis : une comptine endiablée où Bejun Mehta peut enfin sortir le grand jeu et chanter à gorge déployée. Avec Purcell ensuite, la boucle et bouclée, explique Julius Drake, mais aussi mal qu’elle avait commencé. Music for a while débute sur un murmure, le contre-ténor allège à l’excès et la phrase se disloque, les mots se dérobent. Julius Drake semble même renoncer et le ground s’étiole sans avoir commencé de nous envoûter. Bejun Mehta est à nouveau ailleurs ou perdu en lui-même…
Bernard SCHREUDERS