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HAENDEL, Jephtha — Paris (Garnier)

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Spectacle
14 janvier 2018
Guthez-vous les excès de symbolisme ?

Note ForumOpera.com

2

Infos sur l’œuvre

Oratorio en trois actes, livret de Thomas Morell

Créé à Covent Garden le 26 février 1752

Détails

Mise en scène

Claus Guth

Décors et costumes

Katrin Lea Tag

Lumières

Bernd Purkrabek

Vidéo

Arian Andiel

Chorégraphie

Sommer Ulrickson

Dramaturgie

Yvonne Gebauer

Jephtha

Ian Bostridge

Storgè

Marie-Nicole Lemieux

Iphis

Katherine Watson

Hamor

Tim Mead

Zebul

Philippe Sly

L’Ange

Valer Sabadus

Chœur et Orchestre des Arts Florissants

Direction musicale

William Christie

Opéra national de Paris, samedi 13 janvier, 19h30

Régulièrement, Paris s’essaie à proposer des oratorios de Haendel, dans des productions nécessairement et ostensiblement modernes, avec William Christie a la baguette, courant après un miracle comme celui de Theodora à Glyndebourne. Las, c’est encore raté. Déjà donné sur cette même scène en 1959, Jephtha n’est d’abord pas l’ouvrage de Haendel le plus aisé à aborder. Les musicologues biographes s’émeuvent de la cécité du compositeur survenue pendant la composition du deuxième acte et voient dans ce dernier oratorio le testament musical du génial Saxon. Nous entendons surtout un premier acte alignant beaucoup d’airs au stéréotype peu travaillé, un deuxième au dramatisme inéluctable orné de chœurs glaçants et un dernier acte miraculeux jusqu’à l’apparition de l’ange qui ouvre un lieto fine sans aucun intérêt.

Se penchant sur cette œuvre irrégulière, Claus Guth s’attache surtout au livret et ses sources historiques. Cela nous vaut d’abord un résumé des épisodes précédents pendant l’ouverture, avec cet inconvénient que le faible éclairage rend difficile la compréhension de ce qui se joue et distrait totalement de la musique, pourtant splendide. Puis toute la première partie étouffe sous l’excès des signes qui relèvent souvent d’un symbolisme naïf surlignant ce que le spectateur ne saurait – bien sûr ! – comprendre seul. Silhouettes d’aigles menaçants pendant un air évoquant une colombe, blessures sanguinolentes jusque sur une table pour annoncer un sacrifice dont il n’est pas encore question, gros nuages pour les tourments de Storgè, marguerites pour l’innocence d’Iphise et évidemment cette porte par laquelle Jephté est chassé durant l’ouverture, par laquelle il retourne au début de l’acte I et qui sera aussi celle qui s’ouvrira sur sa fille au milieu de l’œuvre, la destinant au sacrifice. On ne doute pas que Claus Guth ait beaucoup réfléchi et travaillé sur cette production, la direction d’acteurs très précise et juste l’atteste également, mais cette surcharge de symboles semble vaine. Elle ne sauve pas la scène d’une grande monotonie visuelle d’abord : combien de fois a-t-on vu ces dégradés de noir et de gris parfois troués par des couleurs vives et ces accessoires (la couronne en carton pâte qui semble être sur la tête de tous les Richard III depuis 20 ans, les chaises, les machettes…), sans parler des décors (les lettres sur scène, le lit d’hôpital des années 60) et des costumes (petite robe blanche toute simple pour mademoiselle et djellaba surmontée d’une veste pour son fanatique de père) ? Cette approche nuit ensuite à la lisibilité de l’œuvre en ne distinguant pas suffisamment les atmosphères entre les scènes, voire semble la concurrencer en intercalant des sons de pianos désaccordés et autres dissonances, comme pour reprocher a Haendel de n’être pas Ligeti. C’est à croire que ses oratorios sont condamnés à de mornes et semblables mises en scènes, qu’elles soient signées Luc Bondy, Christof Nel ou Claus Guth. Seul Barrie Kosky a récemment réussi l’exercice, mais avec une fantaisie visuelle et une économie de signes bien plus grande. On louera tout de même le traitement de Storgè : d’abord pieds nus et portant colifichets de sorcière, cette Cassandre tribale aux visions prophétiques est l’étrangère qui introduit le doute sur scène avec angoisse ; paradoxalement la plus sensée de tous la plus car ne témoignant d’aucune foi – le metteur en scène dirait sans doute illusion – religieuse. Dans la même veine, le parti d’images en contradiction avec le lieto fine est assez efficace.


© Monika Rittershaus / Opéra national de Paris

Dans la fosse, les Arts Florissants dirigés par William Christie étonnent aussi bien par l’épaisseur de leur son que par le manque de distinction des pupitres, très loin des merveilles de clarté qu’ils prodiguaient récemment dans Theodora ou Susanna. Est-ce un volonté délibérée de noircir la musique à l’image de la scène ou simplement notre siège qui était trop près des contrebasses ? Reste une science des rythmes assez phénoménale mais pas toujours convaincante (« Freedom now once more possessing » mollement étiré en longueur ou « Open thy marble jaws » à la lenteur maladroite).

Hélas le plateau est lui aussi loin d’être irréprochable, et la dernière production française de l’œuvre à Strasbourg brillait bien davantage. On passera rapidement sur l’ange de Valer Sabadus, nous n’avons jamais goûté cette voix de guimauve audible uniquement dans l’aigu. On s’avoue déçu par Philippe Sly qui peine à bien projeter sa voix et manque d’autorité. Tim Mead est en revanche un Hamor avec un faux air de Julien Doré, très sonore, aux vocalises liquides, sans acidité et très investi théâtralement. Dommage que son chant soit si peu imaginatif, voire techniquement pauvre (les trilles !). A ses côtés, Katherine Watson est une Iphise assez fade, à l’aigu récalcitrant et qui ne réussit jamais à diffuser la candeur de son personnage. Heureusement ses airs au dernier acte la trouvent bien plus touchante, comme si cette voix très centrale s’épanouissait mieux dans les tourments consolés par l’espérance que dans la joie simple de la jeune fille.

Amsterdam avait Richard Croft, Paris aura Ian Bostridge. Comparer leurs deux interprétations prouve tout ce qu’un grand chanteur peut apporter de personnel à ces rôles souvent confits dans le hiératisme. A l’image d’un Stannis Baratheon, Bostridge compose un personnage détestable d’entrée de jeu : chef de guerre fanatisé au chant perçant voire brusque, aux accents violents et à l’élégance rêche, on ne saurait s’y identifier ou se sentir compatissant. A la notable exception d’un splendide « Waft her angels », où la tendresse paternelle explose soudain avec une sérénité chrétienne que l’hybris militaire lui avait toujours refusée. Contrepoint inquiet et désenchanté, Marie-Nicole Lemieux est une Storgè à l’excessivité parfaitement assumée, agitée de spasmes, et dosant superbement ses effets. Elle captive dans chacune de ses interventions par son art souverain de la déclamation.

Avec le Chœur des Arts Florissants, elle est celle qui insuffle le plus de vie à cette partition. Ce dernier est égal à lui-même : époustouflant ! Précis jusque dans les canons les plus tortueux, articulant avec finesse, gardant le contrôle constant de fugues retorses car imprévisibles voire interrompues, sans jamais être scolaire, incarnant au contraire les commentaires de l’action avec la force d’un grand acteur.

Malgré nos réserves, voilà une occasion rare d’entendre un Haendel génial quoi qu’irrégulier. Si imparfaite soit cette production, il serait dommage de passer à côté d’une œuvre qui devra sans doute attendre 59 nouvelles années avant d’être rejouée en version scénique à Paris.

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Créé à Covent Garden le 26 février 1752

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Claus Guth

Décors et costumes

Katrin Lea Tag

Lumières

Bernd Purkrabek

Vidéo

Arian Andiel

Chorégraphie

Sommer Ulrickson

Dramaturgie

Yvonne Gebauer

Jephtha

Ian Bostridge

Storgè

Marie-Nicole Lemieux

Iphis

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