Plus espiègle que jamais, Patricia Petibon proposait – ce dimanche à l’Opéra de Lyon et avec sa pianiste Susan Manoff – un récital légitimant le répertoire souvent négligé de la mélodie. Le programme était ambitieux, car fait de pièces musicales éparses réunissant les français Reynaldo Hahn, Francis Poulenc, Gabriel Fauré bien sûr, Erik Satie, Joseph Canteloube, Henri Collet, ou encore Manuel Rosenthal, les compositeurs hispaniques Manuel De Falla, Joaquín Turina, Fernando Obradors, les américains George Gershwin, Leonard Bernstein enfin.
Tour à tour facétieuse, charmeuse, tendre, la soprano, avec la belle complicité de sa pianiste, met véritablement à l’honneur ce « petit genre » où, en une seule minute parfois, se condense une folle énergie !
Les deux artistes assument pleinement l’humour de certaines pièces et usent avec inventivité de tout un bric à brac d’objets plus farfelus les uns que les autres. C’est ainsi que coiffes, masques, clochettes, nez de clown et trompe d’éléphant – brandie merveilleusement par la pianiste Susan Manoff – sortent tour à tour d’un chapeau claque, ou plutôt du piano lui-même, devenant véritable piano de cuisine durant la préparation des quatre succulents mets de « La Bonne Cuisine » de Bernstein. Pour l’occasion, la belle excentrique enfile un tablier et, une grande cuillère en bois à la main, prépare avec son commis chacun des plats offerts généreusement au public ; ceci littéralement, au point de voir s’envoler vers la salle quelques morceaux de choix !
Le spectacle est dès lors assuré ! Et la musique n’en pâtira aucunement, car l’énergie déployée par les deux artistes sait se fondre en une éblouissante musicalité dans les pièces plus introspectives telles que « Les Berceaux » de Fauré ou « Désespoir agréable » de Satie. Le temps suspend alors sa course, l’articulation s’y trouve impeccable, la ligne de chant élégante, le souffle long, les nuances admirablement maitrisées, révélant tout le talent de mélodistes des compositeurs de l’école française. Le volet hispanique ne sera pas en reste avec un « El vito » d’Obradors usant d’un crescendo final inédit, et qui installe un charme tout hispanique s’épanouissant dans les vocalises ensorcelantes du Cantares op. 19/3 de Turina, parfaitement maitrisées par l’interprète.
Patricia Petibon, étonnant sphinx du paysage lyrique, capable de restituer toute la légèreté de ce répertoire exigeant et d’en révéler l’intensité, si ce n’est l’essence intemporelle, n’a définitivement pas fini de nous surprendre…