Depuis 2006, l’Académie du Festival d’Aix-en-Provence choisit plusieurs chanteurs, chefs de chant et ensemble de musique de chambre ; avec le soutien de la banque HSBC, les plus prometteurs d’entre eux bénéficient d’un soutien au-delà de leur séjour aixois, pour se produire en récital en France et, de plus en plus, à l’étranger.
Ce jeudi 12 octobre, le nom des Lauréats HSBC 2017 a été communiqué, et l’on y retrouve un certain nombre de personnalités déjà remarquées ici et là. Outre le trio Sōra (piano, violon, violoncelle) et le pianiste Enrico Cicconofri, quatre chanteurs sont distingués cette année, trois Français et un Polonais. Egalement mise en avant par l’ADAMI, la mezzo Catherine Trottmann sera très bientôt Chérubin à l’Opéra du Rhin et Rosine au Théâtre des Champs-Elysées. Si le contre-ténor Paul-Antoine Bénos-Djian reste à découvrir, le ténor Fabien Hyon a déjà eu l’occasion de se faire entendre lors des spectacles du CNSM ou dans une réjouissante Stratonice de Méhul. Quant au contre-ténor Jakub Jozef Orlinski, il était l’une des révélations de l’Erismena de Cavalli dirigée cet été à Aix par Leonardo García Alarcón.
Par ailleurs, l’Académie du Festival d’Aix ne lâchant pas aussi facilement ses plus brillants sujets, elle proposait en parallèle, à l’Amphithéâtre de la Cité de la Musique, un concert de John Chest, Lauréat HSBC 2015. Ce baryton américain commence à être connu en France : on a pu l’applaudir dans La Ville morte à Nantes et Nancy, ou en Don Giovanni à Nantes. Il interprétait cette fois ce qui constitue peut-être le seul véritable cycle au sein de la production de lieder de Brahms, La Belle Maguelone. Conformément à une habitude, il avait été décidé d’associer au chant un résumé du roman de Ludwig Tieck, pour resituer dans leur contexte les « romances » mises en musique par Brahms. Pour lire ses interventions, Julie Moulier, opte pour le ton de la narration familière, sans grandiloquence, mais on mentirait en affirmant que les amours de Pierre de Provence et de la princesse napolitaine Maguelone soient véritablement passionnantes. Comme c’est sur ce texte parlé que s’ouvre la soirée, le passage à la musique s’accompagne d’un décalage sonore, puisque la voix de la récitante est sonorisée et que, bien sûr, celle du chanteur ne l’est pas (n’existe-t-il plus aujourd’hui de comédien capable de projeter leur voix dans une salle sans avoir besoin d’un micro ?). Le timbre de John Chest est dense, riche d’harmoniques, et suffirait déjà en soi à retenir notre attention. Mais l’interprète n’est pas en reste, il ne se montre jamais avare de demi-teintes et sait se plier aux différents affects qu’il a à exprimer, souvent à l’intérieur d’un même lied où l’humeur varie entre le début et la fin. A l’heure où tant d’autres se contentaient de compositions platement strophiques, Brahms s’est montré particulièrement inspiré, variant sans cesse les formes, avec une inventivité sans cesse renouvelée. Le pianiste Marcelo Amaral est particulièrement gâté, avec une musique toujours stimulante à interpréter : en l’écoutant, on se dit que le génie de Brahms n’avait décidément pas besoin d’un orchestre pour se donner libre cours. La Belle Maguelone mérite bien son surnom d’opéra de poche.