On le sait, Natalie Dessay se plait à sortir des sentiers battus et à surprendre son public là où il ne l’attend pas toujours. Cette fois, c’est en compagnie de son époux Laurent Naouri qu’elle propose un programme où se côtoient chansons et mélodies françaises sur des arrangements dus à Guillaume de Chassy et Frédéric Loiseau qui accompagnent les deux artistes respectivement au piano et à la guitare aux côtés de Thomas Savy dont on a apprécié les solos de clarinette, Arnaud Cuisinier à la contrebasse et Fabrice Moreau à la batterie, cinq musiciens émérites, bien connus des amateurs de jazz, dont la présence constitue un gage de qualité musicale.
La plupart des morceaux proposés s’accommodent bien de ce traitement, en particulier les chansons de Brassens, de Salvador et de Trenet ainsi que, aussi étonnant que cela puisse paraître, les extraits des Indes galantes de Rameau qui swinguent joyeusement. Pour les mélodies de Fauré en revanche, le résultat n’est pas toujours très heureux, notamment dans « Au bord de l’eau » qui, chantée à deux voix, n’émeut guère. Plus convaincante est la version des « Berceaux » proposée par Laurent Naouri qui n’est pas sans rappeler celle enregistrée jadis par Yves Montand, notamment dans le registre grave qu’il émet à la manière d’un crooner. Cette page constitue avec les deux chansons de Brassens, « Histoire de faussaire » et « Gastibelza » les meilleurs moments du baryton-basse dont le chant n’échappe pas toujours à une certaine monotonie par exemple chez Poulenc (« Mazurka »).
Très élégante dans une robe noir et blanc, Natalie Dessay, en bonne forme vocale, se montre souveraine tout au long de la soirée, variant les affects à l’envi, mélancolique dans « Après un rêve », mutine dans « Quand je monte chez toi », elle propose une interprétation poétique et troublante de la chanson de Brassens « Dans l’eau de la claire fontaine » et chante avec un charme irrésistible « L’étang » que Paul Misraki avait écrite autrefois pour Danielle Darrieux.
Les deux interprètes concluent le programme avec une version à deux voix très rythmée de « j’ai ta main » de Trenet suivie des incontournables « Feuille mortes » de Joseph Kosma jouées sans paroles, avec de nombreuses variations inédites où musiciens et chanteurs s’en donnent à cœur-joie devant un public ravi de cette ambiance jazzy et qui en redemande.