À travers une grande œuvre de musique sacrée, exécutée dans les églises de l’île, les choristes bellilois, résidents, saisonniers, ou voisins du continent, ont toujours été au cœur du festival lyrique. En cette année de renouveau et d’ouverture, quel meilleur choix pour chanter ensemble en regardant l’avenir que le plus grand oratorio de Joseph Haydn ?
Selon les notes de programme de Philip Walsh « Deux siècles, après la composition de La Création et d’innombrables découvertes sur l’évolution de notre planète et des espèces vivantes […] ce qui n’a pas changé c’est l’émerveillement et le respect mêlé de crainte que nous inspire la création du monde ». Le directeur musical nous rappelle également que c’est après avoir regardé le ciel étoilé avec un télescope géant que le compositeur allemand avait exprimé les deux sentiments dominants de son futur oratorio : émerveillement et terreur sacrée devant l’immensité et la place que nous y tenons. À Palais, face à l’Hôtel de Ville, l’église Saint Géran, reconstruite en 1904 (après l’incendie en 1894 de l’église XVIIIe) fut ensuite rénovée avec de jolies mosaïques dans le style Art-Déco. Elle possède actuellement l’atmosphère chaleureuse propice à accueillir le public et surtout les proportions idéales pour l’effectif réuni : un orchestre international composé de treize musiciens solistes de haut-niveau ; trois voix solistes ; le chœur local de quelque cinquante participants, longuement préparé tout au long de l’année par le baryton basse Thierry Félix (voir brève du 13 août 2013), aujourd’hui diacre et chef de chant de musique sacrée.
Cathédrale de Vannes, 7 août 2014 © Léonor Matet
Heurtée, lancinante, dirigée avec finesse et énergie communicative, l’ouverture symphonique restitue le chaos originel tout en laissant entrevoir une paix lointaine encore inaccessible. Depuis l’apparition de la lumière et de l’ordre nouveau, la maîtrise des eaux, des vents, de la lumière solaire… jusqu’à la naissance d’Adam et Ève, en passant par le surgissement d’une multitude de plantes et d’animaux divers, la musique demeure grandiose. Les musiciens rivalisent de virtuosité. Cordes, vents et percussions illustrent le discours des trois voix solistes qui se relaient ou se confondent avec des choristes donnant l’impression d’avoir une seule bouche par tessiture. À l’unisson ou tour à tour, animés d’un même élan, tous s’attachent à décrire l’inimaginable et glorifier le créateur. Cette œuvre, ô combien inspirée par la foi, est ici servie par trois excellents solistes. Dans tous les récitatifs de Raphaël et dès la conclusion de son premier air « Im stillen Tal der helle Bach » jusqu’au moment où il incarne Adam, le baryton-basse étatsunien Tyler Simpson empoigne l’auditoire de sa voix prenante, musicale et chaude. Quant au ténor Peter Tantsits, sans doute mieux servi par l’acoustique que trois jours avant à Bangor et peut-être revigoré par l’air marin, il s’empare avec conviction de la partie d’Uriel. Si le timbre est assez uniforme, la technique vocale est solide et la diction soignée. Successivement archange Gabriel puis Ève, la soprano française Louise Pingeot, déjà remarquée l’an dernier à Belle-Ile dans Frasquita de Carmen, conquiert l’auditoire. Engagement sans faille, voix pure et homogène, ligne de chant céleste… Hommage à Haendel dans ses grands mouvements fugués et les interventions du chœur, La Création surprend aussi parfois par des passages d’une grâce faisant penser à Mozart. Comme à Bangor, après l’explosion de joie générale de la troisième partie, l’accueil du public de Palais est tellement enthousiaste que Philip Walsh n’a pas d’autre choix que de rappeler musiciens et chanteurs pour une reprise du chœur final. En plus des exécutions habituelles programmées dans les églises belliloises de Locmaria et de Sauzon, notons une sortie « hors les murs », le 7 août : la cathédrale de Vannes. Une première sur le continent.