Chaque année, le festival de La Vézère (www.festival-vezere.com) propose les œuvres de la compagnie d’opéra de chambre Diva Opera (www.divaopera.com). Cette compagnie, créée en 1996 par un couple d’Anglais, se produit principalement en Angleterre et dans les festivals européens. Anne Marabini Young, directeur générale – mais aussi tourneuse de pages lors des représentations ! –, et Bryan Evans, directeur artistique, donnent des opéras complets en réduction piano. Bryan Evans assure donc seul, à l’aide d’une palette sonore étonnamment variée, l’exécution et la direction de l’intégralité de l’opéra… Avec une ardeur qui fait parfois oublier l’absence de l’orchestre, les notes fusent, comme autant de cartouchières dévidées, et le tout est mené tambour battant.
Riche idée que de donner cette Fille du régiment, finalement assez rare sur les scènes lyriques : le public se montre ravi, rit beaucoup et apprécie la prestation. Il est vrai que certains ne jurent que par ces opéras de chambre, décidément un concept à part. En fait de chambre, les quelque 300 spectateurs sont serrés dans la grange ou les écuries du château de Saillant, somptueuse propriété corrézienne, et les sièges sont disposés en face et de part et d’autre de la scène réduite à la taille d’un tapis, de 5 mètres sur 7 environ. Autant dire que les chanteurs postillonnent sur les premiers rangs collés au plateau, quand les voix envahissent pleinement l’espace à la limite de la saturation. Mais l’on se laisse rapidement conquérir par les manœuvres de cette troupe disposée en bon ordre. Costumes, voix et mouvements sont admirables. Certes, les chœurs se réduisent à quatre chanteurs, mais chacun d’eux manipule un fusil – ou le plumeau et la canne dans la deuxième partie – dans une chorégraphie maîtrisée comme à la parade où l’on cesse rapidement de craindre des dommages collatéraux tels un œil éborgné, par exemple. Discipline et professionnalisme, voilà ce qui caractérise le spectacle. On peut reprocher aux chanteurs quelques excès d’enthousiasme car leur jeu, proche de la farce, donne dans le comique troupier, mais au final, on ne retient que la prononciation très audible de ces anglo-saxons. La palme revient à la Suissesse Dominique Thiébaud, qui contrefait l’accent anglais à la perfection et digresse sur la politique (il y est question de femme de ménage et de cigares) avec drôlerie. Elle excelle vocalement dans le petit rôle de la Duchesse de Krakentorp.
À ses côtés, Catriona Clark est une Marie épatante. Elle possède pleinement les moyens techniques du rôle et se démène comme un bon petit soldat, en recrue mal dégrossie, bonne fille de tout un régiment qui nous enchante ensuite avec de faux airs d’Eliza Doolittle dans ses nouvelles fonctions. Un timbre chaud et lumineux, beaucoup de souplesse et d’agilité pour des aigus cristallins, notre vivandière, qui sait être drôle et émouvante, n’a pas à craindre la comparaison avec les grandes interprètes du rôle. Nicola Amodio, fort beau garçon, est moins convaincant en Tonio. « Pour mon âme » est exécuté avec une raideur toute militaire qui souffre de trop d’approximations. Par ailleurs, le timbre très nasillard rappelle l’inévitable Juan Diego Flórez sans que l’on puisse se réjouir suffisamment de la comparaison. Cela dit, sa prestation reste très honorable. Freddie Tong projette vigoureusement et déborde d’énergie dans le rôle de Sulpice. En Marquise de Birkenfeld, Gaynor Keeble commence par agacer : trop de mimiques ne masquent pas le manque de caractérisation vocal. Puis la chanteuse s’affirme et finit même par amuser son monde, notamment dans la leçon de chant où elle remplace d’autorité le pianiste avec humour et une maîtrise grandissante.