Grand moment d’émotion au théâtre Armande Béjart d’Asnières où l’on vient d’apprendre que cette dernière représentation de La Périchole signait également la fin de la collaboration entre la cheffe d’orchestre Laëtitia Trouvé et l’association Oya Kephale. Pendant 15 ans, en tant que directrice artistique de la troupe, elle a su insuffler une énergie à la fois musicale et d’exigence de qualité à tous les amateurs et professionnels qui sont passés sur le plateau et dans la fosse. Avec pour ligne de mire les grandes opérettes d’Offenbach, dont certaines ont connu sous sa baguette plusieurs productions. En cette année anniversaire, saluons donc bien bas son humanisme et souhaitons-lui encore bien des satisfactions dans les nouveaux généreux projets qu’elle entreprend.
C’est évidemment un peu dommage que la troupe ne se soit jamais trouvé un metteur en scène permanent aussi talentueux. Car autant la qualité musicale a toujours été irréprochable, autant le côté scénique – pourtant très honorable – n’arrive pas au même niveau d’excellence. Et il faut dire qu’avec La Périchole, on mesure les limites de la démonstration. L’œuvre est-elle trop difficile et composite ? Laëtitia Trouvé la définit comme l’opérette la plus aboutie d’Offenbach : « Son écriture magistrale et ce dosage parfait entre humour, colère, bienveillance, tendresse, moquerie et amour fou, font de La Périchole une œuvre exceptionnelle où chaque numéro est un petit bijou d’intelligence musicale. » Mais, de fait, on a ce soir plus l’impression d’assister à une suite de perles formant un somptueux collier, plutôt qu’à un ensemble solidement structuré.
© Photo Emeric Guyard
Comme à l’accoutumée, des personnalités se distinguent de l’ensemble. Sonia Jacobson, dont on avait apprécié la Grande Duchesse l’an passé, est une solide Périchole, et même si elle n’en a pas tout à fait le côté mezzo, elle en assume avec brio toutes les facettes lyriques. Elle détaille très joliment ses trois airs, évidemment très attendus, « La lettre », « Je suis un peu grise » et « Mon dieu, que les hommes sont bêtes », sans aucune outrance ni vulgarité, et même peut-être un peu trop sur la retenue, mais c’est en tous cas de la très belle ouvrage. A ses côtés, Gabriel Marie d’Avigneau est un excellent Piquillo, à la voix à la fois claire et nuancée, à l’excellente diction et au jeu scénique accompli. Alexandre Lu Minh est paradoxalement desservi par son allure juvénile, alors que sa voix correspond plutôt bien au Vice-roi. Une mention spéciale pour les trois cousines, en regrettant quand même leur côté bien peu subversif…
Cette nouvelle production de La Périchole présente donc la marque habituelle d’Oya Kephale, une qualité musicale exemplaire en un soin particulier de la prononciation, mais est entachée des mêmes faiblesses que certains des précédents spectacles, avec des costumes plutôt trop traditionnels et moins réussis que d’habitude, des scènes parlées trop longues et pas assez rapides, des chœurs (au demeurant très bons musicalement) coincés dans des attitudes et des mises en place stéréotypées, et certains personnages pas toujours assez clairement caractérisés. Quant à certaines voix un peu tendues, cela peut s’expliquer par le fait de chanter l’œuvre trois soirs de suite, ce que peu de professionnels oseraient envisager.