Le City of Birmingham Symphony Orchestra et sa directrice musicale Mirga Grazinyte-Tyla faisaient étape au Théâtre des Champs Elysées accompagnés d’une troupe de chanteurs en majorité britanniques pour présenter une œuvre tchèque : La Petite Renarde rusée. Une œuvre étrangement absente des programmations parisiennes depuis une dizaine d’années et pour laquelle il faut se contenter de versions concertantes, mises en espace ou succinctement illustrées. Ce soir ne fait pas exception : des costumes, des accessoires, des entrées et des sorties « jouées » égayent cette version de concert.
La direction musicale devient dès lors le centre de l’attention : Mriga Grazinyte-Tyla propose une lecture ambivalente. L’ouverture est assez terne, se contentant de chercher des équilibres dans les masses de l’orchestre, une quête qui perdurera toute la soirée durant lors des grandes pages orchestrales avec des cuivres mal dosés et récalcitrants parfois. Le tempo allant, voire trop rapide retenu, obère d’entrée toute possibilité de recherche de couleurs dans un répertoire qui n’exige finalement que cela. Toutefois, dès que le chant entre en scène, l’orchestre trouve un rythme de croisière et une dynamique tout autre : le soutien au plateau se fait même dialogue, les pupitres d’instruments trouvent leur juste place et se parent des couleurs et accents qui font le sel de ce conte délicieux. Le duo amoureux entre nos renards s’avèrera la plus belle scène de la soirée, la cheffe abandonnant sa rigueur rythmique au profit d’un rubato bienvenu pour souligner le lyrisme, pourtant rare chez Janáček, de cette rencontre amoureuse.
Le plateau offre quant à lui de belles satisfactions vocales. On passera rapidement sur la prestation du Chœur de Radio France, qui n’aura surement eu le droit qu’à une mise en place dans cette tournée. Les femmes manquent de rondeur et les hommes sont complètement en retrait. Les enfants de la Holy Trinity Catholic School of Birmingham brillent par leur engagement scénique même si quelques faussetés émaillent la performance – c’est la loi du genre. Huit chanteurs se partagent la myriade de rôle animaux ou humains de la fable. Ella Taylor (le Coq, la femme de l’Aubergiste) manque quelque peu de projection pour imposer ses deux personnages dans les quelques interventions dont elle dispose. Elizabeth Cragg (la Poule, le Geai) y parvient d’avantage. William Thomas (le Blaireau, le Curé et Harasta) commence piano piano en blaireau. Son curé, docte comme il faut, et son Harasta mal dégrossi, sont bien plus convaincants. Robert Murray coule son timbre de ténor de caractère avec justesse dans les trois portraits qui lui sont confiés (le Maître d’école, le Moustique, l’Aubergiste). Kitty Whately, véritable caméléon, croque avec justesse les quatre incarnations qui lui sont dévolues (le Chien, la Femme du Garde-chasse, la Chouette, le Pivert). Les trois rôles principaux sont particulièrement bien distribués. Certes le soprano d’Angela Brower (Pelage d’Or, le renard) se différencie assez peu de celui de la renarde mais cela ne l’empêche pas de briller grâce à un aigu précis. Roland Wood, un rien monocorde, trouve une belle humanité dans la dernière scène où les lignes se déploient davantage et lui autorisent plus de nuances. Elena Tsallagova retrouve « Vive Oreille » que déjà elle incarnait à Paris à ses débuts. La voix a conservé sa fraicheur et sa rondeur, s’est épanouie et étoffée, tant et si bien que c’est presque un luxe à présent de bénéficier d’autant de moyens et de savoir-faire dans ce rôle.
Malgré les réserves évoquées, on ne peut s’empêcher de souligner qu’avec trois accessoires bien choisis, deux costumes bien confectionnés et quelques indications scéniques, la magie de l’œuvre de Janáček opère. A tel point qu’on se demande pourquoi la pièce ne trouve pas plus souvent le chemin de nos scènes, surtout en cette période de fêtes, idéale pour emmener toute la famille – ou des scolaires – découvrir l’art lyrique.