Cette Rondine créé en 2015 faisait alors l’événement car un certain ténor franco-mexicain passait en coulisses pour se réinventer metteur en scène. Maison de répertoire, la Deutsche Oper reprend cette hirondelle au milieu des derniers frimas berlinois pour seulement trois dates. Elle mobilise pour l’occasion sa troupe et c’est dans cette routine d’une fin d’après-midi de 1er mai que le public prend place pour voir, revoir, ou étendre sa connaissance du répertoire dans une institution au niveau moyen plus que satisfaisant.
La proposition de Rolando Villazon satisfait pleinement au fonctionnement cyclique des productions. Elle donne vie avec fidélité au livret d’autant que le ténor s’était entouré d’une équipe technique solide : raffinement des costumes cabaret des années 1920 (Brigitte Reiffenstuel), belles lumières chamarrées (Davy Cunningham) des décors (Johannes Leiacker) et des mouvements choregraphiques (Silke Sense) qui collent à l’esprit « opérette ». La mise en scène se permet une seule audace : trois figurants, le visage recouvert d’un masque blanc, font office soit de miroirs soit d’anges gardien de Magda. Lorsqu’elle renonce à Ruggero dans la dernière scène elle lui met un masque identique pour le réduire au silence. Le voilà renvoyé aux échecs passés. On comprend dès lors que Magda a projeté son désir de changement sur ces masques blancs tout en sachant qu’il est condamné à échec. Une hirondelle revient toujours faire son nid sous le même toit.
© Bettina Stoess
La légèreté qui règne sur scène contamine la fosse où Roberto Rizzi Brignoli adopte un rythme relevé, contenu dans un volume discret pour ne pas déstabiliser le plateau. Il met bien en avant les styles que Puccini réutilise : La Bohème et Madama Butterfly bien évidement et la Fanciulla del West au troisième acte.
La troupe de la Deutsche Oper tient son rang, notamment les six comprimari qui gravitent autour de Magda et de Rambaldo. Leur diction italienne et leur style sont soignés. Stephen Bonk est un Rambaldo bien pâle, ce qui n’est pas un contresens vu le livret, mais le volume et la projection sont bien insuffisants. Alvaro Zambrano pâtit lui aussi d’une voix fluette même s’il passe déjà mieux la rampe. Couleurs et nuances lui viennent en aide pour incarner le poète fantasque et provocateur ainsi que l’amoureux grinçant. Alexandra Hutton possède également le tempérament adéquat pour Lisette ; pas encore tout à fait la précision millimétrée dans les vocalises. Vincenzo Costanzo, loué par Christophe Rizoud après sa Luisa Miller madrilène, est un Ruggero adolescent bâti intelligemment autour d’un timbre frais. Il s’efface toutefois devant la Magda exceptionnelle de Cristina Pasaroiu dont la voix corsée et capiteuse se plie à toutes les nuances et les couleurs possibles. L’aisance vocale et scénique s’ajoute aux qualités d’un soprano très prometteur, déjà signalé par nos confères à Nice (ici et là).