Contrairement au soir de la première à l’Opéra-Comique, point de huées à Liège où à cette production du Comte Ory fait étape en cette saison festive. Comme l’expliquait vertement Christophe Rizoud, il n’y a vraiment pas de quoi s’insurger. Certes les toiles projetées des guerres napoléoniennes n’apportent rien à l’intrigue et permettent juste à Christian Lacroix de déployer un fort élégant vestiaire XIXe siècle plutôt que des frusques en bure. Certes, la direction d’acteur est convenue et fait à peine travailler les zygomatiques, à l’exception du chœur des guerriers travestis en nonnes et lancés dans un French-cancan où slips et cuisses velues soutiennent le décalage entre la sainteté présumée du lieu et la chanson à boire imaginée par Rossini et son librettiste. Enfin, l’ambivalence de l’œuvre et son dévergondage libertin n’ont pas vraiment titillé Denis Podalydes et son équipe artistique au-delà du convenu.
© Opéra Royal de Wallonie
Heureusement pour fouetter ce bien sage assemblage scénique on peut compter sur la direction contrastée et équilibrée de Jordi Bernàcer. La scansion et l’enchainement des scènes se fait avec naturel et l’esprit rossinien se retrouve dans ces accélérations des reprises et coda orchestrales. Le chœur, bien préparé par Pierre Iodice, participe de cette bonne qualité générale du spectacle.
La distribution a été entièrement renouvelée entre le bassin parisien et la Wallonie et c’est l’enfant du pays, Jodie Devos, cantonnée au rôle d’Alice à Paris, qui s’accaparent les lauriers de la soirée. Si Julie Fuchs paraissait hors style sur la scène parisienne, la soprano belge respecte scrupuleusement la grammaire du maitre de Pesaro jusque dans les variations agrémentées de notes surpiquées, couronnées de quelques suraigus, sans abus. Surtout la composition scénique est réjouissante, dans une veine comique assumée mais jamais vulgaire. Reste à savoir pourquoi l’on s’acharne à confier à une voix légère un rôle initialement dévolu à Laure Cinti-Damoreau, créatrice entre autres de Mathilde dans Guillaume Tell un an plus tard.
Antonino Siragusa (Ory) et Josè Maria Lo Monaco (Isolier) démontrent eux aussi leur familiarité avec l’écriture ardue de leur rôle respectif et les exigences de l’œuvre. Las, leur français un rien exotique nuit à la bonne compréhension du texte. Les rôles secondaires trouvent des interprètes d’excellente tenue. Enrico Marbelli propose un Raimbaud badin et sympathique, Alexise Yerna un Dame Ragonde bien chantante et gourgandine sous des faux airs de modestie. Enfin, Laurent Kubla donne au Gouverneur la sévérité factice qui convient.