La dernière journée de ce 45e festival aura été la plus riche, tant par la quantité d’événements offerts que par leur richesse et leur qualité. Avec pas moins de huit activités en cinq lieux différents, à Sablé et à La Flèche, il fallait être marathonien confirmé pour bénéficier de tout le programme. Visite, conférence, rencontre, ateliers, ouverts à chacun, animés par de prestigieux artistes, précédaient trois concerts d’un égal intérêt.
A La Flèche, le Banquet céleste, avec huit chanteurs, proposait trois odes de cour – rares – de Purcell. Sans entrer dans les détails de chacune, soulignons combien les expressions en étaient variées, servies par des solistes aussi unis qu’on puisse le souhaiter dans un chœur très homogène et équilibré, qu’individualisés et brillants dans leurs interventions, seuls ou en petits ensembles. Aussi remarquables l’un que l’autre, les deux ténors (David Tricou et Thomas Hobbs) d’émission très différente, le contre-ténor Paul Figuier et Anthea Pichanick, pour les parties d’alto, les basses Benoît Arnould et Edward Grint, somptueux, enfin Céline Scheen et Myriam Arbouz pour couronner le tout, nous ont ravi. Nous devons également ces excellents moments aux instruments, animés, tout aussi investis sous la direction de Damien Guillon.
De toute autre nature était le concert suivant, prévu en plein air, donc amplifié, mais que les intempéries ont contraint de rapatrier dans la vaste salle de l’Espace Madeleine Marie de Sablé. Le public le plus divers se bousculait pour trouver un siège libre. Duo insolite, pour d’improbables musiques, toutes également séduisantes : Agathe Peyrat, soprano de culture classique, au large ambitus et à la diction exemplaire, aux couleurs adaptées à chaque pièce, jouant (fort bien) de l’ukulele, s’est associée à Pierre Cussac, dont la maîtrise de l’accordéon de concert est exemplaire. De surcroît, les interventions vocales de ce dernier ajoutent encore à la palette. Le programme associe des chansons (de Paolo Conte à Brigitte Fontaine – Eternelle – et Trénet (le soleil a rendez-vous avec la lune) à des mélodies de Debussy, des airs lyriques (ainsi l’air de Zurga des Pêcheurs de perles…) dont l’intelligence des interprétations force l’admiration. Le clou du spectacle : un Boléro de Ravel où les voix, l’ukulele en guise de caisse claire, et un accordéon magistral, restituent l’incroyable progression, avec sa modulation attendue et son délire sonore. Un exploit, où l’humour le dispute à la tendresse.
Enfin, Amore siciliano, dont Leonardo García Alarcón avait dévoilé la gestation le matin même, allait triompher devant une salle enthousiaste. L’ouvrage est connu : une trame narrative empruntée à une chanson calabraise (la canzone di Cecilia) va nourrir ce pasticcio, où des pièces du baroque italien ou de la tradition orale vont s’enchaîner harmonieusement pour un opéra émouvant, servi magistralement. On ne sait qu’admirer le plus : les talents du chef argentin, auteur, de Quito Gato, arrangeur de cette pièce, ou bien la réalisation achevée plus que jamais (1). L’ouvrage a gagné en densité comme en concision, et l’émotion portée par la Cappella Mediterranea (2) comme le chant des solistes, proprement habités par leur personnage, emportent l’adhésion de chacun. Ana Vieira Leite, admirable Cecilia, et Matteo Bellotto, qui chante Peppino, son amant, étaient des représentations précédentes auxquelles nous avons assisté. Valerio Contaldo, don Lidio, et la Donna Isabella de Mariana Flores, au chant flamboyant nous étaient familiers. Une belle découverte que le Santino de Leo Fernique, contre-ténor stupéfiant d’aisance, aux couleurs chaudes et à la projection idéale.
Aux acclamations de la salle, répondent deux généreux bis, le dernier étant une chanson argentine confiée à Mariana Flores accompagnée par Quito Gato (dont l’enregistrement – Alfonsina – est attendu). Une soirée que chacun gardera en mémoire.
(1) Forumopéra avait rendu compte de deux productions de cette œuvre (à Froville, que dirigeait alors Laure Baert ; puis à Dijon). (2) Où une nouvelle violoncelliste (Karolina Plywaczewska), remarquable, s’est parfaitement intégrée : son jeu est un modèle difficilement surpassable.