Le Voyage dans la lune se poursuit en France. Après Marseille (voir l’article de Guillaume Saintagne) ce spectacle d’Offenbach coproduit par quinze opéras a trouvé à Nice son rythme de croisière.
Ne lui demandons pas la lune ! Offenbach a fait mieux dans le genre. Néanmoins, ce « Voyage » comporte une succession d’airs exquis – dont l’air « Il neige » qui a tout d’un tube. Il manque toutefois ce final brillant qui met généralement les spectateurs en état d’euphorie à la sortie des opérettes.
A l’origine, l’ouvrage durait quatre heures, il a été réduit à deux.
L’histoire est simple : propulsés dans la lune par un canon à la Jules Verne, trois terriens (le roi V’lan, son fils Caprice et le savant Microscope) découvrent une société dans laquelle les gens ignorent ce qu’est l’amour. Les pauvres ! Les trois terriens vont remédier à la chose. Ils vont faire croquer la pomme à ces dames et, aussitôt, la révolution amoureuse se répand sur l’astre de nos nuits. On ne vous raconte pas !
Un sacré canon pour aller dans la lune © Dominique Jaussein
A l’occasion sont évoqués quelques sujets de société comme le féminisme, à grands traits caricaturaux. « Sur la lune, les femmes servent à deux choses : soit elles sont utiles, soit elles sont décoratives ! » Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre ! Du coup, la reine, qui fait partie de la première catégorie, arrive déguisée en éponge à récurer.
Le metteur en scène Olivier Fredj s’en est donné à cœur joie. Lui a bien les pieds sur terre. Son spectacle est rodé comme une super machine. Il a imaginé qu’il se trouvait sur le plateau du tournage du film « Le voyage dans la lune » de Mélies en 1901. On voit les techniciens passer sur scène et se transformer en danseurs acrobates. Les premiers tableaux sont en noir et blanc, on passe à la couleur en arrivant sur la lune. On a droit à une avalanche d’effets vidéos, de gags, de costumes. Certains tableaux sont vraiment poétiques – comme celui où les chanteurs chantent suspendus dans les airs. Le final manque, lui, de charme. Certains dialogues sont bien venus – comme les recommandations de compagnie aérienne au moment d’embarquer dans le canon pour la lune. D’autres échanges sont plats. De manière générale, la prononciation des acteurs laisse à désirer – sauf Marie Lenormand dans le rôle de Popote. (C’est elle, l’éponge Spontex).
La distribution est dominée par Sheva Tehoval (la princesse de la lune). Elle vocalise avec aisance du grave au suraigu et sait trouver dans le grave des effets comiques. Violette Polchi, qui incarne en travesti le prince Caprice, possède un chant brillant mais une prononciation insuffisante. Au parlé, en revanche, elle est compréhensible. Parmi les personnages principaux, Matthieu Lécroart assure bien son rôle de souverain. Le chant de Chloé Chaume est lumineux. (Est-ce pour cela qu’elle porte un abat-jour sur la tête ?) Tout en étant Microscope, Eric Vignau assume une performance de belle envergure. On apprécie au passage le Quipasseparla de Kaëlig Boché.
La jeune cheffe Chloé Dufresne fait preuve d’un dynamisme visible dans les envolées de ses bras mais surtout perceptible dans le brio de son orchestre.
On est heureux de découvrir ce Voyage dans la lune que peu connaissaient. Car, c’est bien simple, soit on reste dans la routine, soit on ose la nouveauté. De deux choses lune !