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Légendes — Paris (Philharmonie)

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Spectacle
22 juin 2016
Scènes franciscaines (et sulpiciennes)

Note ForumOpera.com

2

Infos sur l’œuvre

Franz Liszt

Du berceau jusqu’à la tombe

Légende de sainte Cécile

Charles Gounod

Hymne à sainte Cécile

Saint François d’Assise

Détails

Karine Deshayes, mezzo-soprano

Stanislas de Barbeyrac, ténor

Florian Sempey, baryton

accentus

Orchestre de chambre de Paris

Direction musicale

Laurent Equilbey

Philharmonie de Paris, mercredi 22 juin, 20h30

Lentement mais sûrement, le bicentenaire Gounod approche : l’Opéra de Paris n’aura peut-être rien de mieux à nous offrir qu’une lamentable production de Faust qu’il essaye tant bien que mal de rafistoler, mais on sait déjà qu’on peut s’attendre à de belles entreprises ailleurs (une autre salle parisienne proposera notamment La Nonne sanglante). Puissent en 2018 les théâtres rivaliser pour monter Polyeucte, Philémon et Baucis ou Le Tribut de Zamora !

En attendant, les choses se préparent, et les disques seront prêts pour fêter les deux cents ans de Charles Gounod. En 2018, sinon avant, on pourra ainsi se procurer un enregistrement de son Saint-François d’Assise, réalisé dans la foulée du concert présenté ce mercredi à la Philharmonie de Paris devant une salle comble. Certes, il ne s’agit pas d’une résurrection absolue : l’œuvre, retrouvée récemment, a été recréée en 1996 (voir brève). Et elle ne dure qu’une demi-heure. Et si l’on y reconnaît incontestablement le compositeur de Roméo et Juliette, on n’ira pas non plus crier au chef-d’œuvre méconnu. Un récitatif, un air pour le ténor (François), quelques phrases pour le baryton (Jésus), une fort belle « Extase » qui est en réalité la réutilisation d’une Consécration préexistante, puis, dans le deuxième volet du diptyque, un récitatif du ténor, un chœur d’hommes, trois phrases du ténor, et un chœur de femmes. Le meilleur est sans doute l’Extase, que l’Orchestre de chambre de Paris donnera d’ailleurs comme bis au terme du concert. Comme dans le très bref Hymne à sainte Cécile donné en fin de première partie, il y a là cette générosité mélodique propres à Gounod, ces lignes caressantes qui préfigurent, en plus chaste, celles de Massenet (qui n’était pas pour rien surnommé, à ses débuts, « la fille à Gounod »). Dans cette saisons placée pour lui sous le signe de Gounod, après sa participation au Médecin malgré lui genevois, Stanislas de Barbeyrac confirme ses éminentes qualités de ténor, principalement dans l’unique air que lui réserve la partition. Florian Sempey est un Jésus murmurant, osant à peine donner de la voix pour ne pas sortir du recueillement imposé par le texte. Si les paroles frisent le duo d’amour traditionnel, entre l’ « amant » François et celui qu’il « adore », la musique évite tout débordement. Laurence Equilbey veille également à maintenir cette hauteur de ton, sans lenteurs ni langueurs déplacées. Le chœur accentus est clair de diction, avec lui aussi l’austère sobriété qui sied aux moines pour les messieurs, et la transparence angélique qui sied aux séraphins pour les dames.

Avant d’en arriver à ses « scènes franciscaines », comme Messiaen devait plus tard sous-titrer son opéra, la première partie du concert accueillait, outre l’Hymne de Gounod, délicieux bonbon qui donnait à la violoniste Deborah Nemtanu une belle occasion de briller, deux pages du dernier Liszt. Son ultime poème symphonique, d’abord, Du berceau jusqu’à la tombe, intéressant essai de symbolisme musical, équivalent sonore des toiles de Böcklin ou de Stück, avec une partie centrale véhémente encadrée par deux volets plus doux mais tout aussi audacieux dans leurs harmonies. Enfin, sa Légende de sainte Cécile, de 1874, étrange pièce conçue sur un poème de Delphine de Girardin, journaliste et auteur à succès dans les années 1840. On fermera les yeux sur ce texte qui se voulait sans doute d’une naïveté touchante, mais qui confine surtout à la niaiserie. Quant aux oreilles, il n’est pas certain qu’elles aient été tellement plus gâtées par Liszt : tout commence par un certain nombre de phrases a cappella pour la soliste, et se termine dans un grand pompiérisme, avec chœur claironnant, pour un quart d’heure de louange qui paraît un peu longuet. Karine Deshayes y déploie tout son art, mais il semble que la partition soit écrite dans une tessiture un peu trop basse, car du fond du parterre, les notes graves sont systématiquement couvertes par l’orchestre, et il y a  peu d’envolées dans l’aigu qui permettraient à la chanteuse de faire apprécier les beautés de son timbre. Gageons que le disque viendra corriger cette impression (une fois de plus, les spectateurs placés plus près des instrumentistes semblent avoir eu un sentiment différent…). Après tout, 2018, ce n’est plus que dans un an et demi.

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