« Je te promets », de Jean-Jacques Goldman, une des chansons fétiches de Johnny Hallyday (1986) a été choisie par « Les 3 ténors français » pour terminer leur première partie. Hommage à Johnny, bien sûr, au chanteur, au musicien, mais aussi à la bête de scène qu’il était. Mais également clin d’œil : nous aussi on peut chanter ce répertoire, nous on sait tout faire ! Chanter Johnny, pas évident, mais pas vraiment grave, puisque lui ne chantait pas le grand opéra…
Tout le programme de ce soir est construit sur ce hiatus mêlant le répertoire du grand opéra à des œuvres plus légères et à de la variété. Les trois compères (à noter que la formation n’est pas toujours la mêmes selon les concerts), qui s’entendent visiblement comme larrons en foire, ont concocté avec leur complice Jean-Claude Calon un programme extrêmement hétéroclite, qui mêle allègrement tous les genres chantés. Avec une idée bien précise : « notre souhait est de rendre accessible à tous la musique classique en la faisant vivre dans un concert chaleureux, festif et de très grande qualité ». Le concept n’est pas nouveau, tout le monde connaît « Les Trois ténors » (Domingo, Pavarotti et Carreras), « Les Trois Sopranos » (Renata Scotto, Ileana Cotrubas, Elena Obraztsova), « Les [Trois] contre-ténors » (Andreas Scholl, Dominique Visse et Pascal Bertin). Tous s’amusent de cette rencontre improbable de trois voix proches, qui n’arrive dans aucune œuvre lyrique (encore que, voir Armida de Rossini…).
A partir de là, un seul but, distraire agréablement les spectateurs. On peut simplement se demander si le lieu – une salle d’opéra – est particulièrement bien adaptée pour venir à la rencontre de nouveaux publics. Aujourd’hui, à Massy, on retrouve visiblement les abonnés de la saison, et il n’est pas sûr qu’il y ait beaucoup de spectateurs non habitués des lieux. Quoi qu’il en soit, l’idée est généreuse et mérite d’être poursuivie. Mais pourquoi, dès lors, ne pas aller jusqu’au bout en donnant à entendre des voix d’opéra naturelles, et non des voix sonorisées et donc déformées, souvent trop fortes et donc parfois pénibles pour des tympans normaux ?
On ne présente plus ces trois excellents ténors, que l’on connaît bien et qui ont souvent reçu des appréciations élogieuses dans nos colonnes. Pour répondre à la spécificité du programme, rares sont donc les airs chantés en soliste, comme « E lucevan le stelle » et « No puede ser » par Florian Laconi, qui est parfait dans ces deux emplois, « Ah ! lève-toi, soleil » et « Una furtiva lagrima » que Christophe Berry détaille avec art, et « Nessun dorma » qui permet à Jean-Pierre Furlan de montrer que lui aussi excelle dans ce type de rôle puccinien.
En revanche, il en est d’autres chantés « à trois », et si l’on n’est pas forcément fanatiques de ces genres d’arrangement (mais cela fait partie du jeu), il faut convenir qu’ils s’en sortent globalement très bien. C’est donc soit en alternant les trois voix sur un même air, soit en terminant l’air à l’unisson. Ainsi pour le « Questa o quella » ou « La Donna è mobile » de Rigoletto. Ces moments de grand lyrique chantés à trois ne sont pas des plus élégants musicalement parlant, mais soulèvent néanmoins l’enthousiasme du public.
Enfin, la plus grande partie du programme est consacrée à des variétés, où Christophe Berry défend les parties plus légères, en pianotant parfois à côté du chef, tandis que Jean-Pierre Furlan montre ses talents de trompettiste, et Florian Laconi de guitariste. Rien de bien original, mais des ensembles vocaux musicalement très soignés, allant de « La Vie en rose » à Jacques Brel, d’« O Sole mio » aux Beatles et du Chanteur de Mexico à West Side Story. Une évocation de New York puis du Paris du XXe siècle, illustré de photos anciennes, donne du corps à la démonstration. Quatorze musiciens de l’orchestre de l’Opéra de Massy, dirigés par Didier Benetti, jouent bien le jeu et sont pour beaucoup dans la réussite de l’ensemble.