Un récital sur le thème de l’amour, chanté en français dans le temple rossinien de Pesaro ! Avec cette option audacieuse, alléchante, Patricia Ciofi était attendue avec curiosité. Hélas, ce qui aurait pu être un long moment de grâce s’est soldé par une demi-déception. Pâle mais élégante dans une robe fluide à plusieurs étages, d’un bleu foncé subtil, la talentueuse et toujours captivante soprano italienne n’est à l’évidence pas au mieux de sa forme. Si sa sensibilité n’est en rien émoussée, si elle fait passer les mille et une nuances contenues dans les paroles de chaque mélodie et de chaque air, l’instrument, lui, laisse à désirer. Et, si l’interprète se montre bien présente, la voix accuse parfois des absences de projection qui rendent certaines notes pratiquement inaudibles.
D’abord, telle une liane s’enroulant sur elle-même dans un léger mouvement ascendant obtenu avec force petites génuflexions, la Ciofi après un sage début « Au bord de l’eau », s’envole avec Fauré dans une « Chanson d’Amour » passionnée. Puis, selon le poème de Victor Hugo mis en musique par ce même compositeur à l’âge de seize ans, elle poursuit sa course en incarnant une fleur qui supplie le papillon de lui donner des ailes… Duparc renouvelle sa ferveur avec « Soupir » avant que « Chanson triste » nous donne à entendre quelques jolies notes tenues…
« Depuis le jour où je me suis donnée » fait monter la température de la salle d’un ou deux degrés « au souvenir charmant du premier jour d’amour ! » de cette Louise en émoi. Après une jolie introduction au piano, suit un air extrait du Chérubin de Massenet « Si l’amour a des ailes, c’est afin qu’il s’envole ! » que Ciofi et son accompagnatrice interprètent dans une connivence délicieuse.
Avec « Haï luli » de Pauline Viardot, la chanteuse se transforme en petite paysanne oubliée par un amoureux volage avant de se lancer sans se lâcher dans « Les Filles de Cadiz » de Léo Delibes avec son boléro enjôleur.
Rossini n’est pas oublié. Patrizia Ciofi lui rend hommage en chantant une page mélancolique des fameux Péchés de vieillesse. Cela lui donne l’occasion de vocaliser en douceur afin de se préparer à l’adieu affectueux que fait la jeune Marie à son armée de pères dans La fille du régiment de Donizetti.
Pour conclure son récital, sans prendre de risques, la soprano italienne a choisi fort sagement « Je veux vivre » du Roméo et Juliette de Gounod au lieu de poursuivre son ombre en vain dans le périlleux extrait de Meyerbeer initialement programmé.
Quant aux deux bis, ce seront des bis repetita(1) repris avec une ardeur revivifiée par les applaudissements d’un public sachant se montrer compréhensif, voire indulgent si nécessaire.
N’est-ce – pas cela aussi, l’amour ?
La saison 2008/09 de Patrizia Ciofi :
Donna Anna (Don Giovanni) à Londres, Juliette (Roméo et Juliette) à Amsterdam, Cléopâtre (Giulio Cesare) à Bilbao, Gilda (Rigoletto) à Madrid, Violetta (La Traviata) à Orange
(1) Les filles de Cadiz de Delibes et air du Chérubin de Massenet